
L’année ciné 2023 n’a pas atteint l’excellent cru de 2022 de mon humble point de vue. L’expérience en salles a été, en ce qui me concerne, moins riche en qualité et en quantité, ce qui peut peut-être expliquer (en partie) un sentiment moins fort dans ma sélection de films de cette année 2023 et la pôle position pour celui qui (bien qu’imparfait) m’aura mis la plus grosse claque sensorielle. Par ailleurs, la multiplicité de l’offre, liée aux sites de streaming, de plus en plus touffue à défaut d’être réellement variée, donne la sensation paradoxale et difficile à expliquer de réduire la puissance de la découverte. Restent cependant quelques œuvres majeures, excellentes ou juste très notables à détacher. Et des retours rapides sur chacun, puisque nombre d’entre eux n’ont pas été chroniqués (par moi en tout cas) ici…
Top 10 Films
1- OPPENHEIMER de Christopher Nolan
Le blockbuster auteurisant de Christopher Nolan reste l’une des expériences les plus immersives et sensorielles vécues en salles cette année. Sur un rythme effréné, porté par une galerie de comédiens puissamment investis, Oppenheimer est, à mon sens, le meilleur film de son auteur depuis… Batman The Dark Knight. C’est surtout la preuve que le cinéma hautement conceptuel de Nolan est bien plus intéressant et réussi lorsqu’il s’attaque à des sujets préexistants, et non lorsqu’il se rattache à des concepts un peu fumants. Dans le cas présent, la destinée de Robert Oppenheimer était un sujet idéal pour mettre en branle le cinéma nolanien.
2- EARWIG de Lucile Hadzihalilovic
Passé malheureusement sous tous les radars, Earwig le troisième film de Lucile Hadzihalilovic est une merveille de diamant noir, un songe cinématographique qui convoque des inspirations gothiques et vampiriques, tout au long d’un récit avare en dialogues, qui prend les atours d’une rêverie parsemée de symboles, au son de la musique de Nicolas Becker, Warren Ellis et Augustin Viard. Le film reste longtemps en tête et supporte aisément la redécouverte. La marque d’une grande œuvre.
3- PEARL de Ti West
Deuxième partie du triptyque débuté par X, meilleur film d’horreur de ces dernières années, Pearl en est la continuité (ou plutôt le préquel), plongeant dans la psyché torturée de son personnage principal, découvert dans X, tout en explorant un autre versant du cinéma : celui des comédies musicales en technicolor d’antan. Un changement de braquet particulièrement osé et audacieux mais payant sublimé par le sens de la mise en scène de Ti West. On attend désormais le troisième opus, Maxxxine, qui doit entériner cette trilogie pour le moment quasi parfaite.
4- FINGERNAILS de Christos Nikou
C’est une comédie romantique comme on en compte tant. Mais la richesse et le précieux mérite de Fingernails est d’y adjoindre un arrière-plan original, aux frontières de la SF, avec ces tests d’amour entre les êtres par le truchement de l’analyse de leurs ongles. Un postulat suffisamment discret pour ne pas prendre le pas sur le cœur du projet : la relation à trois d’Anna, Ryan et Amir, triangle amoureux envahi par ses sentiments. Fingernails est tour à tour amusant, passionnant, bouleversant, il sonde les émotions de ses personnages avec une belle subtilité dans le discours et la mise en scène. Il scrute la capacité à s’abandonner à la science pour régir sa vie, au détriment des sentiments. Une histoire puissante, se déroulant dans un espace-temps indéterminé, car qu’importe, et porté par un trio de comédiens extraordinaire : l’inestimable Jessie Buckley (déjà renversante dans Men d’Alex Garland), Jeremy Allen White (The Bear) et Riz Ahmed (The OA).
5- LA MONTAGNE de Thomas Salvador
Couronné au Paris International Fantastique Film festival en 2022, La Montagne de Thomas Salvador mérite les honneurs adressés par le festival parisien. Après Vincent n’a pas d’écailles, le réalisateur français poursuit son exploration d’un fantastique délicat et subtil, marqué par de légers décalages avec le quotidien, avant de plonger dans le merveilleux. Le film est une ode à la liberté, à la nature, à la quête de soi-même. Une petite merveille.
6- MARS EXPRESS de Jérémie Périn
Mars Express apparaît comme un sacré pari à tous les niveaux. Un film de SF adulte, réalisé en animation, avec autant de scènes d’action que de références au genre et de questionnements existentiels, on ne peut pas dire que le réalisateur Jérémie Périn a choisi la facilité… D’ailleurs, le long développement du long-métrage en atteste. Mais le résultat est largement à la hauteur, Mars Express étant l’un des films de genre français les plus réussis et stimulants vus depuis très longtemps.
7- BEAU IS AFRAID d’Ari Aster
Après les réussites Hérédité et Midsommar, deux œuvres aussi différentes que similaires dans leurs qualités respectives, Ari Aster réalise avec Beau is Afraid une proposition de cinéma à la fois autre et pourtant aussi ambitieuse. Durant trois heures, le cinéaste se joue des attentes et assume de désarçonner son public en plongeant le spectateur dans le cerveau d’un personnage en proie au deuil, à la perte de repères, au sein d’un film dense et riche, découpé en trois actes déstabilisants, quand bien même on saura en cueillir toutes les subtilités si on ose s’y abandonner…
8- MISANTHROPE de Damián Szifrón
Anxiogène et tendu comme un arc, Misanthrope nous rappelle aux bons souvenirs des thrillers policiers comme on n’en voit guère plus aujourd’hui. Le réalisateur Damián Szifrón brandit au spectateur un miroir sociétal à la noirceur absolue, avec son histoire de tueur de masse aux motivations ancrées dans une réalité bien actuelle, aux prises avec une fliquette au parcours de vie cabossé et un agent du FBI charismatique. Même si le film flanche quelque peu dans sa dernière partie, la maestria de la mise en scène, la puissance du discours et la noirceur de l’ensemble emportent largement l’affaire. Un morceau de cinéma intense qui reste longtemps en mémoire.
Comme l’a souligné Nolan dans sa critique, Conann de Bertrand Mandico ne pouvait décemment ressembler à rien d’autre, et surtout pas au film matriciel de John Milius avec Schwarzy, quand bien même il reste ancré à bien des égards à l’œuvre originale de Robert E. Howard. De fait, la proposition de Mandico, marquée au fer rouge des oripeaux de son cinéma, est un film unique, à la fois stimulant visuellement avec ses décors et effets en dur, et nourrissant pour l’intellect avec ses dialogues très écrits, qui n’empêchent pas cependant un détour par le gore, embrassant le genre à pleine bouche lorsque c’est nécessaire. Une œuvre forte et nécessaire dans le paysage cinématographique français.
10- STEPHANE de Timothée Hochet et Lucas Pastor
C’est l’OVNI de l’année. Qui plus est dans le paysage cinématographique français. L’inattendu Stéphane de Timothée Hochet et Lucas Pastor se frotte autant à la comédie noire qu’au film de genre. Et c’est une sacrée surprise : un found-footage suivant un jeune vidéaste réalisant un documentaire sur un personnage aussi charismatique qu’emblématique et limite psychopathe, le fameux Stéphane, dont le parcours bigger than life se dévoile au fur et à mesure du film, dans un savant équilibre d’humour et d’inquiétude fortement tintée d’angoisse. Et surtout, un comédien principal, Lucas Pastor, également co-réalisateur, qui emporte tout dans sa folie furieuse.
Mention spéciale- MAD GOD de Phil Tippett
Véritable opéra de la décadence en stop motion, Mad God est l’aboutissement de la vision de Phil Tippett, pape des SFX. Trente années à travailler à la conception de ce film définitivement autre, à donner vie à ce projet démentiel, ode aux techniques du cinéma d’animation, dont le résultat est tout aussi fou à l’écran. Orgie de matières et de textures, d’images iconiques et de cauchemars fantasmagoriques, Mad God respire l’artisanat, la générosité et une croyance indéboulonnable en l’essence même du cinéma. Une œuvre unique et incontournable.
Flop 5 Films
1- LES CHEVALIERS DU ZODIAQUE de Tomasz Bagiński
Indigeste, hideux et d’une bêtise sans pareil.
Un found-footage comme on n’ose plus en faire. Dépassé et sans intérêt.
3- THE REEF 2 : TRAQUEES d’Andrew Traucki
La suite d’un honnête film de requins. Pas honteux sur la montée en tension, mais bardé de personnages bêtes à tabasser. Et rien de neuf sous le soleil.
4- LA MAIN de Danny Philippou et Michael Philippou
La grosse sensation hype horrifique de l’année est, à bien y réfléchir, une imposture totale, du cinéma de petit malin, marqué par deux scènes extrêmement violentes, mais qui n’a rien à proposer de plus que des lieux communs. Tout en donnant la sensation de vouloir réinventer la roue. Désagréable.
5- SUPER MARIO BROS, LE FILM d’Aaron Horvath et Michael Jelenic
Ce n’est pas plus honteux que la plupart des films d’animation lambdas actuels. Avec un fan-service omniprésent. Extrêmement convaincant techniquement, mais d’une paresse totale en termes d’écriture et d’ambition. Un film d’animation lambda.

















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