Avant d’être réalisateur, Jean-Christophe Meurisse est un metteur en scène de théâtre avec sa troupe Les Chiens de Navarre. Il s’est lancé en parallèle dans le cinéma il y a quelques années avec son moyen-métrage ll est des nôtres (2013). C’est trois ans plus tard que Meurisse entre dans la cour des grands avec son premier long-métrage, Apnée, où l’on suit un couple à trois et leurs mésaventures et, même si le film était quelque peu décousu, il n’en restait pas moins drôle et prometteur. C’est en 2021 qu’il revient avec Oranges Sanguines, un film qui frôlait clairement le chef-d’œuvre tant dans sa maîtrise inconditionnelle des émotions que dans sa drôlerie qui devenait d’une froide cruauté sans jamais se vautrer dans le film de petit malin. Après ce – disons-le – monument cinématographique, on trépignait d’impatience de voir son troisième film dont le tournage avait démarré en juillet dernier, le dénommé Les Pistolets en Plastique. Ce dernier nous raconte un grand récit de personnages largement inspiré de l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès : lors d’un voyage au Danemark, un homme est arrêté et accusé du meurtre de sa femme et de ses trois enfants. Bien qu’il clame son innocence, il reste emprisonné pendant que la police enquête…

La mauvaise herbe…

Les Pistolets en Plastique, sans mauvais jeu de mots, tire à balles réelles sur tout le monde, avec ses airs provocateurs mais qui ont toujours un fond, sans être balancés aussi vainement que bêtement. Car, même s’il tape moins fort que le précédent travail de Meurisse (malgré un sujet qui s’y prêtait et des faux-airs de The House That Jack Built), il n’en reste pas moins plutôt féroce – même s’il semble avoir perdu sa cruauté, très certainement pour pouvoir séduire les masses. Enchaînant des blagues plutôt réussis dans divers contextes, Meurisse ne peut s’empêcher de façonner une grande fresque de personnages plutôt qu’un petit groupe, et cela de façon encore plus poussée que dans Oranges Sanguines, sans que cela ne paraisse jamais en surplus, le métrage arrivant à travailler tant les personnages principaux et secondaires que le plus mineur d’entre eux. Que ce soit une concierge malaimable dans ce qui est plus que certainement la meilleure séquence du film, un pseudo-sosie de Paul Bernardin (le Xavier Dupont de Ligonnès du film), danseur de country, ou une enquêtrice qui parle de verrines comme elle arrache des yeux. Toute cette galerie de personnages servant finalement à Meurisse pour parler du mal dans notre société, qui s’insinue comme de la mauvaise herbe, comme le disent les deux médecins légistes dans l’introduction géniale. C’est une satire sans pareille que nous offre le réalisateur, qui s’avère très absurde et parfois même un peu bête dans sa façon d’amener le rire mais qui est si inventif qu’on ne peut qu’être charmé par le spectacle.

Si Les Pistolets en Plastique est moins bon que le précèdent travail du cinéaste, il n’en reste pas moins l’un des premiers grands films de 2024, arrivant à être bien plus qu’une simple comédie noire.

Note : 4.5 sur 5.

LES PISTOLETS EN PLASTIQUE. De Jean-Christophe Meurisse (France – 2024).
Genre : Comédie noire. Scénario : Jean-Christophe Meurisse, Amélie Philippe. Photographie : Javier Ruiz Gómez. Interprétation : Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Laurent Stocker, Gaëtan Peau, Juana Acosta… Musique : Thibault Deboaisne. Durée : 95 minutes. Distribué par Bac Films (26 juin 2024).

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