[Critique] MANIAC de Franck Khalfoun

MANIAC de Franck Khalfoun

 Produire un remake du Maniac de William Lustig était une gageure qu’Alexandre Aja (La Colline a des yeux, Haute Tension) a néanmoins bravé courageusement. Un pari loin d’être gagné d’avance, tant le film original dispose d’une aura justifiée de classique du cinéma d’horreur brutal et sans concession des années 80. Toujours aussi pertinent et estomaquant dans sa noirceur et sa brutalité, même 30 ans après sa sortie, le Maniac original n’offre guère de perspectives et surtout de garanties de réussite à une relecture contemporaine, loin de là.
Afin de passer outre le jeu de la comparaison qui leur sera de toutes les manières défavorable, Alexandre Aja et le réalisateur Franck Khalfoun (duo responsable d’un Deuxième Sous-Sol résolument bof, bof…) décident d’utiliser au sein de leur relecture un gimmick de mise en scène qu’il mettent clairement en avant : la vue subjective. Un choix dont l’originalité est toute relative si l’on se rappelle de la séquence d’ouverture du Maniac de 80, de nombreux giallos ou encore de L’étrangleur de Boston qui employaient déjà ce procédé à des fins similaires. Mais le duo français prend le pari de l’étirer sur l’ensemble du métrage. Alors que le canevas général de la trame du film de Lustig est suivi à la lettre, ce qui pouvait apparaître comme un gadget prend pourtant toute sa puissance, tant le procédé épouse la thématique centrale  du film : la schizophrénie.

MANIAC de Franck Khalfoun

First Person Killer

Dès la séquence d’ouverture, dans laquelle Elijah Wood traque une proie dans la rue jusqu’à chez elle avant de l’assassiner brutalement, le tout en vue à la première personne donc, la montée du suspense est déjà à son paroxysme et on sent tout le potentiel d’un tel mode de mise en scène s’il est exploité intelligemment dans un contexte cohérent. C’est le cas ici.
Un effet impressionnant. Notamment dans ces séquences de poursuites qui s’achèvent généralement par un mouvement de caméra finissant par dévoiler le personnage de Franck Zito (Elijah Wood), alors que ce-dernier tue et scalpe ses victimes, comme un moyen de montrer par l’image l’extraction d’une partie du personnage de son corps, et de toucher par le visuel une représentation brutale de la schizophrénie. Une enveloppe corporelle dans laquelle s’est glissé Elijah « Frodon » Wood avec une inquiétante et étrange efficacité. Très différemment de l’interprétation fiévreuse de Joe Spinell en 1980. Bien que présent de manière très épisodique à l’écran, Wood, dont le visage d’ange a déjà été employé de manière très efficace à contre-emploi (dans Sin City notamment), parvient à faire ressentir toute la détresse de son personnage par son interprétation littéralement habitée. A ce titre, certains plans de son désarroi total restent gravés dans les mémoires, tout comme ces fulgurances gores montrées en plein écran.

MANIAC de Franck Khalfoun

L’élégance craspec

Maniac 2012 est également marquant par sa violence graphique, héritée assez naturellement du film original, mais qui, combinée à la vue subjective, propose une expérience très dérangeante pour le spectateur, ce-dernier étant amené à garder les yeux grands ouverts face à l’atrocité des crimes de Zito. L’aspect « craspec » du film de Lustig est clairement amoindri dans cette nouvelle version, l’urgence du tournage en mode guérilla de l’original dans les rues malfamées de New York, est troqué ici contre une mise en scène conceptuelle certes beaucoup plus froide et désincarnée, mais d’une efficacité qui n’exclut pas l’élégance. Cela pourra paraître hérétique aux yeux des adorateurs du Maniac original, mais cette nouvelle version est d’une manière générale esthétiquement très aboutie et confine même à certains moments, à une forme de beauté visuelle. Certes, ce Maniac nouvelle époque n’est pas un sommet de terreur en soit. L’original non plus d’ailleurs, il était bien plus que cela. Mais certaines séquences visent dans le mille, et retrouvent l’essence de ce qui faisait la puissance du film de Lustig. Si la scène du métro est obligatoirement moins réussie dans le film de Khalfoun (celle de Lustig restant aujourd’hui un modèle de suspense), elle n’en reste pas moins d’une efficacité totale.
Un mot enfin sur la musique de Rob, qui a composé une bande-son en adéquation totale avec le projet. Percutante, elle prend dignement la succession de la musique de Jay Chattaway qui avait tétanisé une flopée de jeunes cinéphiles à l’époque. Maniac 2012, un remake qui ne s’imposait pas, qui peut souffrir de la comparaison avec son aîné inébranlable, mais qui se révèle bien plus percutant et efficace que nombre de relectures fadasses…

Note : 4 sur 5.
MANIAC
Franck Khalfoun (USA/France – 2012)
Genre Thriller – Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, America Olivo, Liane Balaban… – Musique Rob – Durée 89 minutes. Distribué par Warner.

Synopsis : Frank est le timide propriétaire d’une boutique de mannequins. Sa vie prend un nouveau tournant quand Anna, une jeune artiste, vient lui demander de l’aide pour sa nouvelle exposition. Alors que leurs liens se font plus forts, Frank commence à développer une véritable obsession pour la jeune fille. Au point de donner libre cours à une pulsion trop longtemps refrénée – celle qui le pousse à traquer pour tuer.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

2 Comments on [Critique] MANIAC de Franck Khalfoun

  1. Beurk beurk beurk… Tu le sais…
    Mais en dehors du génial Elijah, tu fais bien de pointer un des points positif du film : sa B.O. by ROB !!

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  2. 😉 Yep, je savais que c’était pas ta came !!!
    Mais la BO déchire, complètement ok…

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