[Critique] CONJURING : LES DOSSIERS WARREN de James Wan
Saint-Wan, délivre-nous du Mal...

Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière… Révélé par Saw qui avait fait de lui un petit maître en matière de roublardise cinématographique, James Wan aurait pu persister dans le créneau du film de genre malin à twist haut de gamme, un peu à la manière d’un M. Night Shyamalan. Pourtant, le jeune cinéaste a préféré orienter sa carrière dans une direction très différente, celle du film de série B très premier degré, efficace et respectueux. Revisitant le film d’horreur avec Dead Silence, les deux Insidious, et aujourd’hui ce Conjuring, le vigilante movie avec Death Sentence, et s’attaquant bientôt à la franchise Fast and Furious puisqu’il est annoncé à la barre du septième épisode, Wan a toujours oeuvré pour la cause du film de genre sans jamais vouloir le regarder de haut. Autant de preuves que le cinéaste s’intéresse davantage aux codes et mécanismes des classiques dont il s’inspire, plutôt qu’aux effets de mode…
Avec Conjuring – Les dossiers Warren, Wan se coule plus que jamais dans le carcan du récit d’épouvante. Film de maison hanté, inspiré des récits véridiques de Lorraine et Ed Warren, couple de parapsychologues ayant exercé dans les années 60-70, Conjuring s’inscrit de toute évidence dans la tradition de La Maison du Diable de Robert Wise. On savait Wan réceptif à une approche très classique de la mise en scène, n’abusant pas des effets outranciers, on est là en plein dedans. Insidious disposait déjà de ses séquences de trouille carabinées, ici, elles sont étirées sur l’ensemble du métrage.

L’anti Found-footage
Au sein d’un cadre scénaristique des plus classiques, le cinéaste n’entend là encore pas révolutionner le genre, (contrairement au final en roue libre d’Insidious, qui en a désarçonné plus d’un). Rien d’original dans l’histoire de cette famille effrayée par les manifestations surnaturelles intervenant dans leur vieille ferme perdue au milieu de nulle part. En revanche, un soucis de respecter la grammaire cinématographique du genre. Créer la peur par le vecteur unique de la mise en scène. Un défi en ces temps de found-footage décérébrés. Ici, l’angoisse est créée par le cadre, les mouvements de caméras millimétrés, la bande-son, les longs plan-séquences mettant les nerfs à rude épreuve… Tout n’est que mise en scène. C’est la réussite la plus probante de Conjuring. Certaines séquences, comme la découverte de la cave, la partie de colla-maillard, l’horreur sur l’armoire ou toutes les scènes avec la poupée, sont autant de moments de trouille anthologiques. Le sérieux et la frontalité qui caractérisent le film, tant dans son approche que dans le ton général, renforcent le sentiment d’angoisse que véhiculent à merveille les personnages, avec une mention spéciale à Vera Farmiga et surtout à Lily Taylor, qui s’investit corps et âme dans son rôle de mère de famille terrorisée.

Noble et respectueux

Et justement, le film bascule dans sa deuxième moitié dans un second sous-genre, celui du récit de possession, et donne clairement à voir les scènes parmi les plus impressionnantes du genre. Wan n’hésite pas à montrer ce qui, habituellement, reste en l’état de suggestion. La lente montée de la peur est ici brillante et efficace, mais elle s’accompagne d’une récompense sous la forme d’apparitions cauchemardesques (l’horreur sur l’armoire). On est ici dans une forme d’équilibre très fragile entre la suggestion et la démonstration (utiliser un drap pour cacher en partie le visage de la possédée est une idée géniale qui décuple l’effet d’épouvante). L’Exorciste de William Friedkin est, une fois encore, une référence évidente, mais Wan surprend en y apposant des débordements outranciers évoquant davantage les séries B européennes des années 80. Et c’est pourtant ce qui fonctionne le moins dans ces montagnes russes de la peur. Le risque de bascule dans la caricature n’est jamais aussi présent que dans ces dernières scènes résolvant l’intrigue. Avec, en plus, une conclusion sous forme de happy-end qui ne s’imposait franchement pas…
Moins malsain et dérangeant qu’un Sinister qu’il avait d’ailleurs produit, Conjuring est pourtant une vraie réussite. On pourra toujours reprocher à James Wan de tourner en rond et de ne pas innover dans son cinéma. Ce serait mettre de côté sa maîtrise indéniable des codes du genre, ce qui n’est pas donné à tout le monde. James Wan de prend pas le genre de haut, mais il l’élève au contraire à un niveau d’efficacité tenant autant du savoir-faire que de l’hommage noble et respectueux…
CONJURING : LES DOSSIERS WARREN. De James Wan (USA – 2013).
Genre : Horreur. Scénario : Chad Hayes et Carey W. Hayes. Interprétation : Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lily Tailor, Ron Livingston… Musique : Joseph Bishara. Durée : 112 minutes.
Votre commentaire