[Critique] THE BOY de William Brent Bell
Jeu d'enfant

On ne va pas se le cacher, à l’origine, The Boy n’inspirait guère l’optimisme béat. Coproduction surchargée (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Chine), le film est signé de William Brent Bell, un artisan du cinéma d’horreur loin d’être incontournable si l’on jette un œil sur sa (courte) filmographie d’où dépassent les ratés Stay Alive et Devil Inside et l’obscur Wer, à la réputation un peu plus flatteuse. Bref, le scepticisme était de mise au moment de découvrir la bête. Deux points engageants néanmoins : aucune trace du stakhanoviste du frisson bon marché Jason Blum au générique, et surtout, la présence dans le rôle-titre de l’excellente Lauren Cohan, que les amateurs de The Walking Dead connaissent fort bien… Et c’est justement quand on n’en attend rien, qu’un film vient vous cueillir sournoisement. C’est bien sûr le cas ici avec The Boy. Doté d’une intrigue tout ce qu’il y a de plus classique, le film se cache derrière ses apparences (trompeuses) de spectacle horrifique formaté pour jouer avec l’attente du spectateur et mieux le surprendre. Plus précisément, William Brent Bell joue constamment avec les connaissances du spectateur et ses déductions, pour mieux l’emmener sur d’autres chemins. Que les choses soient bien claires : The Boy n’invente rien, mais articule son déroulement de manière suffisamment audacieuse pour parvenir à surprendre.

L’habile mécanique
Avec son manoir perdu au beau milieu de la campagne anglaise, son couple de personnes âgées étranges, ses décors travaillés et référentiels, The Boy débute comme un film à l’ambiance marquée et gothique à souhait. Cette première couche d’étrangeté se trouve renforcée avec la première révélation : le jeune Brahms dont doit s’occuper la jeune femme, n’est pas un petit garçon… mais une poupée. Le film s’engage dès lors vers les plates-bandes du film de poupée maléfique. Une première jonction qui fonctionne extrêmement bien, et que le réalisateur anglais va se faire un malin plaisir de développer en ajoutant une couche supplémentaire à son récit : celle de la paranoïa de l’héroïne. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, Greta (Lauren Cohan, hyper concernée et crédible) est persuadée que la poupée est dotée d’une vie propre. Mais à l’image des grands films paranoïaques des années 60-70 (au hasard, Rosemary’s Baby de Roman Polanski), jamais le réalisateur ne s’engage réellement dans le fantastique, laissant planer continuellement le doute dans la tête du personnage principal et du spectateur, situé exactement au même niveau de connaissance que Greta. Dans cet ordre d’idée, William Brent Bell pousse sa logique encore plus loin, puisqu’il dote son film d’un nouvel embranchement pour un final qui lorgne cette fois vers le slasher pur. Un twist plutôt adroit qui tranche dans l’interrogation : « surnaturel ou pas ? », et fait basculer le film dans une direction encore différente.
Pour autant, The Boy n’est pas non plus l’oeuvre théorique qui va refaçonner le cinéma horrifique. Loin de là. Mais le film est suffisamment honnête et respectueux du genre pour bénéficier d’un capital sympathie indéniable. Par ailleurs, il se montre plutôt adroit dans sa mécanique fonctionnant comme une succession de scènes angoissantes plutôt bien maîtrisées, cultivant un agréable sentiment d’étrangeté, tout en s’autorisant d’inévitables « jump-scares » qui constituent sans nul doute les éléments de mise en scène les moins probants du projet. Rien qui ne peut néanmoins entacher son statut d’honorable film d’horreur, qui évoque le travail maîtrisé et malin d’un certain James Wan, se permettant même une légère coloration mélancolique lors d’une scène de suicide à la portée bouleversante…
THE BOY William Brent Bell (USA/Royaume Uni/Canada/Chine – 2015) |
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Genre Horreur – Avec Lauren Cohan, Rupert Evans, Jim Norton, Diana Hardcastle… – Musique Bear McCreary – Durée 97 minutes. Distribué par Metropolitan Filmexport (27 mai 2016 chez) Synopsis : Pour essayer d’échapper à son passé, Greta, une jeune Américaine, se fait engager comme assistante maternelle en Angleterre, dans une maison perdue en pleine campagne. À son arrivée, elle découvre qu’elle a été embauchée non pas pour s’occuper d’un petit garçon de 8 ans en chair et en os, mais d’une poupée de porcelaine grandeur nature. Seule dans la maison, loin de tout, Greta assiste à des événements tous plus étranges les uns que les autres. La poupée serait-elle vivante ? Il se trouve que Greta n’a pas seulement été engagée, elle a été choisie… |
Chronique en partenariat avec Cinetrafic qui propose le cinéma d’épouvante-horreur en 2016 et le top du cinéma horrifique.
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