[Critique] ROGUE ONE : A STAR WARS STORY de Gareth Edwards

ROGUE ONE de Gareth Edwards

ROGUE ONE de Gareth EdwardsPremier épisode dérivé de la saga principale Star Wars sur grand écran, Rogue One est arrivé dans les salles un an tout juste après l’Episode VII et douze mois avant le chapitre VIII. Après le retour contrasté (pour certains) du pourtant réussi Réveil de la force signé J.J. Abrams, ce nouvel épisode de la franchise passée sous pavillon Disney était annoncé comme plus noir, plus violent, plus guerrier. Bref, on allait voir ce qu’on allait voir. D’autant qu’avec l’excellent Gareth Edwards aux commandes (le chef d’oeuvre Monsters, l’impressionnant remake de Godzilla) on avait enfin un véritable metteur en scène en pleine possession de ses moyens derrière la caméra. Le résultat est assez enthousiasmant mais loin d’être le chef d’oeuvre acclamé un peu partout…
L’intrigue de Rogue One se déroule quelques heures à peine avant l’ouverture de l’Episode IV, ce qui en fait préquel direct, et nous propose de découvrir un épisode tout juste évoqué dans le texte déroulant de l’opus initial, et pourtant essentiel et fondateur de la saga : comment une équipe de bandits va dérober les plans de l’Etoile de la mort et les transmettre à l’alliance rebelle. Le film s’inscrit dans la tradition du « film de bande », à la manière des Douze salopards, où une poignée de personnages hauts en couleurs, bien souvent des barbouzes, aux aspirations diverses, s’allient autour d’un objectif commun. Ils figurent ici aux côtés du capitaine Cassian Andor (Diego Luna) et de Jyn Erso (Felicity Jones), jeune femme forte dont le père, Galen Erso (Mads Mikkelsen), a grandement participé à la conception de l’Etoile de la mort. Evidemment, l’intérêt n’est pas de déterminer si la mission va réussir, ça, on le sait déjà, mais comment elle s’est déroulée. Un détail qui a néanmoins son importance car en terme de dramatisation, le scénariste Chris Weitz (épaulé ensuite par Tony Gilroy) avait du pain sur la planche pour développer une intrigue suffisamment solide et haletante pour maintenir un semblant d’intérêt à l’ensemble.

ROGUE ONE de Gareth Edwards

Grosses coutures et gigantisme

Pour autant, le bilan est plutôt mitigé en terme de scénario, car si le rythme de ce Rogue One est élevé et ne faiblit jamais réellement, les péripéties, aussi spectaculaires soient-elles, peinent à s’élever au-delà du simple enchaînement de scènes plus ou moins déterminantes. Il y a de grosses coutures scénaristiques dans Rogue One, elles sont peut-être voulues d’ailleurs. Mais en l’état, rien de très surprenant. Un constat d’autant plus dommageable que Gareth Edwards prouve une fois encore qu’il est l’un des rares réalisateurs à Hollywood à avoir la capacité à emballer des scènes aussi spectaculaires que porteuses de sens. On retrouve d’ailleurs le goût du cinéaste pour le gigantisme déjà pleinement à l’oeuvre dans Monsters et Godzilla. L’univers de Star Wars est à cet égard une bénédiction pour lui : voir la façon dont il gère les attaques des imposants TR-TT, déjà aperçus dans L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, qu’il se plaît à filmer du point de vue des humains (ou humanoïdes), pour en marquer les différences de taille et démultiplier les effets de perspectives (notamment lors de l’assaut sur la planète Scarif), ou lorsqu’il fait progressivement apparaître l’Etoile de la mort dans le sillage d’un destroyeur imperial. Du grand art !

ROGUE ONE de Gareth Edwards

De l’épique et de l’écho

De l’iconique, de l’épique, Rogue One n’en manque pas, c’est incontestable, et ravira sans aucun doute (et à juste titre) les fans de la saga. Pourtant, quelque chose cloche et empêche le film de s’élever au plus haut niveau d’excellence que l’on était en droit d’attendre. Plusieurs facteurs à cela. Déjà, Rogue One ne parvient pas à transcender ce qu’il raconte, malgré le souffle épique généré par la mise en scène, l’ensemble des séquences qui se succèdent sous nos yeux manquent cruellement de substance. Pire, le film ne parvient jamais à faire exister les personnages, à leur donner une âme. « L’escadron » parti en mission suicide à la recherche des plans de l’Etoile de la mort n’est constitué que de pantins sans aucune personnalité. Alors que leurs différences devraient constituer un moteur et autant de ressorts scénaristiques, les personnages peinent déjà à être des simples archétypes… C’est notamment le cas du guerrier aveugle interprété par l’illustre Donnie Yen, qui, aussi classe puisse-t-il être, ne sert strictement à rien, tout comme son acolyte protecteur. Ou encore le pilote de l’Empire qui rejoint l’alliance rebelle, sans aucune consistance, si ce n’est de servir de raccourci scénaristique bien pratique pour faire avancer la mission. Même Jyn Erso et Cassian Andor peinent à exister, en dépit de l’abattage de leurs interprètes respectifs, leur manque de charisme est flagrant… Quant aux motivations personnelles des uns et des autres, elles sont aussi brouillonnes. Malgré ses défauts évidents, Le Réveil de la force avait pour lui de présenter un personnage féminin, Rey, extrêmement incarné. Ici, et c’est le principal défaut du film, cette absence d’incarnation et de caractérisation peut apparaître comme rédhibitoire et détacher le spectateur de l’intrigue, faisant ressembler ce Rogue One prometteur à un sympathique space-opera dans l’univers de Star Wars dont on se moque pas mal. On aurait adoré placer le film de Gareth Edwards au pinacle, pour plein de raisons. Mais pour autant de facteurs, on se contentera de l’apprécier à sa juste valeur. Sans plus.

ROGUE ONE de Gareth Edwards

Victoire par KO

Au final, comme tout élément de saga, Rogue One se doit d’être jugé pour ce qu’il est, d’une part, mais également à l’aune des autres épisodes d’une saga très inégale. On peut évidemment souligner que sur ce dernier point, le film de Gareth Edwards figure sans problème parmi les meilleurs de la série de par ses grandes qualités de mise en scène et sa « vision » de l’univers Star Wars. Là où la prélogie s’engluait dans des effets numériques lisses et envahissants et un manque criant de personnalité artistique, Rogue One confirme un retour bienvenu vers des fondamentaux constitués d’outils cinématographiques tangibles, d’effets spéciaux en plateau et décors naturels qui, mine de rien, renouent avec une imagerie plus « physique » de la saga, comme a pu l’être également Le Réveil de la force. Pour autant, et même s’il y a énormément à dire dessus (le retour des personnages emblématiques de la saga et l’usage des CGI, l’orientation film de guerre), qu’il titille agréablement la fibre du fan en chacun de nous, le film rate tout de même la gageure de gagner sur tous les tableaux et d’être emballant à 100 %, à cause de défauts que l’on pourraient attribuer à une fin de production houleuse, des « reshoots » intempestifs et un montage final pas totalement convaincant qui pourrait être bien différent de celui que Gareth Edwards avait initialement envisagé. Ce qui permettrait d’expliquer beaucoup de choses…


ROGUE ONE : A STAR WARS STORY
Gareth Edwards (USA – 2016)

Note : 3.5Genre Science-fiction – Interprétation Felicity Jones, Diego Luna, Ben Mendelsohn, Mads Mikkelsen, Forest Withaker… Musique Michael Giacchino – Durée 133 minutes – Distribué par Walt Disney Studios.

L’histoire : Situé entre les épisodes III et IV de la saga Star Wars, le film nous entraîne aux côtés d’individus ordinaires qui, pour rester fidèles à leurs valeurs, vont tenter l’impossible au péril de leur vie. Ils n’avaient pas prévu de devenir des héros, mais dans une époque de plus en plus sombre, ils vont devoir dérober les plans de l’Étoile de la Mort, l’arme de destruction ultime de l’Empire.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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