[Critique] LOGAN de James Mangold
Après deux films qui n’ont pas complètement convaincu (X-Men Origins : Wolverine, 2009 et Wolverine : Le combat de l’immortel, 2013), la mythologie Wolverine revient avec un troisième (et dernier ?) opus en solo pour le personnage le plus emblématique de l’équipée X-Men. Toujours devant la caméra de James Mangold, qui avait dirigé Le combat de l’immortel, le héros Marvel interprété par Hugh Jackman pour la neuvième fois à l’écran, effectue son baroud d’honneur avec, enfin, un film digne de son statut d’icone de la pop-culture.
Depuis 2000 et son entrée en scène dans le X-Men originel réalisé par Brian Singer, le personnage de Wolverine a franchi les années avec plus ou moins de bonheur sur grand écran. Le mutant peut-être le plus marquant de toute la team des X-Men, l’était en partie par son style anarchique et rebelle, en opposition à la bien-pensance ultra-positive et contrôlée de ses confrères mutants couvés par le professeur Xavier. Wolverine n’est pas personnage que l’on canalise, en dépit des innombrables tentatives de dressage de son entourage. Tout cela pour dire que la stratégie des adaptations cinéma de l’univers X-Men a toujours consisté à opposer la nature violente (!) et sauvage de Wolvy à (la fadeur de) ses équipiers. C’est ce qui en faisait le sel au sein de la série chapeautée par Brian Singer, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. A l’heure de rendre les armes, il semblait logique que l’ultime film consacré au personnage créé par le scénariste Lein Wein soit à la gloire de James Logan Howlett, et que pour la première fois dans la saga X-Men, l’univers du film se plie à la personnalité de Wolverine, et non l’inverse…
Espèce décimée
N’y allons pas par quatre chemins, Logan de James Mangold est une bombe. Un film crépusculaire et particulièrement noir pour une production Marvel. Il semblerait que James Mangold ait eu les coudées franches (ou presque) pour ce troisième segment consacré au personnage. Ayant mis la main à la pâte pour la rédaction du scénario, le réalisateur de Copland s’est inspiré de l’univers futuriste et désenchanté du comics Old Man Logan de Mark Millar. Terminé les combinaisons moulantes des X-Men, fini les super-pouvoirs un peu trop visuels et les amourettes entre mutants. Logan dépeint un monde aux allures post-apocalyptiques, désespéré et hanté par des personnages qui dissimulent leur véritable nature. Un postulat de départ qui fait déjà saliver. Les mutants ont été éradiqués, et Logan, Caliban et le professeur Xavier sont les derniers survivants d’une espèce décimée, retranchés à la frontière américano-mexicaine. Xavier est un vieillard aux frontières de la sénilité, dont les crises déclenchent d’incontrôlables et dangereuses réactions magnétiques. Vieillissant et malade, Logan est quant à lui devenu simple chauffeur de limousine. Une déchéance qui va être reboostée par l’arrivée inopinée du jeune mutante traquée du nom de Laura…
En sursis
James Mangold, qui avait livré le très bon remake de 3h10 pour Yuma, dépeint ici un road-movie usant, brutal et balayé d’une pincée de désespoir latent, dans un univers aux accents de western crépusculaire (on y voit directement des extraits de L’homme des vallées perdues de George Stevens, 1936). Les personnages y apparaissent loin de leur gloire passée, littéralement rincés. Logan y apparait comme dépressif, un survivant aux biceps saillants et aux lames toujours aiguisées mais, à la manière d’un Max Rockatansky, dont l’honneur ne saurait être bafoué. Le traitement du professeur Xavier n’est pas en reste : véritable mort en sursis, sénile à en perdre toute notion de bienséance et le savoir-vivre qui le caractérisait, le personnage incarné par Patrick Stewart n’inspire plus que de la pitié. Le duo escorte la jeune Laura dans une fuite en avant, à la recherche d’une cité nommée Eden. La nature de la jeune fille, sans spoiler quoi que ce soit, est intimement liée à Logan. C’est ce lien et cette relation qui traversent le film de bout en bout. C’est ce qui en constitue également l’une des réussites. Mangold extrait Logan du genre du film de super-héros et plaque des scènes de drame intimiste et de violence quasiment inédites dans ce style de production. Car avoir des lames en adamantium indestructibles est une chose, s’en servir pour se défendre jusqu’à la mort en est une autre. Logan déborde de brutalité et d’une violence sèche et graphique jusqu’au boutiste : boîtes craniennes perforées, têtes coupées, membres arrachés… On n’avait jamais vu ça sous les griffes de Wolverine (à l’écran, s’entend). Les coups font mal, les corps sont marqués et se désagrègent à vue d’oeil, bref, les personnages prennent chers. Même si quelques saillies plus légères percent de temps à autre, l’heure n’est pas à la rigolade et on devine la chape de plomb qui menace constamment tous les personnages.
A une griffe du chef d’oeuvre…
Même si l’intrigue ne brille pas par son originalité (il s’agit encore une fois de la survie des mutants contre une équipe de gros bras bien décidés à les exterminer), il ressort un classicisme dans le bon sens du terme qui fait plaisir à voir. Pas de héros virevoltants ni de pluie de CGI, Logan est avant tout un film noir « hard-boiled » qui s’assume. Une direction qui se traduit par des choix pertinents de mise en scène et de narration. Après une exposition brillante, les deux premiers tiers du film sont absolument parfaits en terme de rythme et de caractérisation des personnages. Les plans sont beaux à en pleurer et plusieurs scènes d’ores et déjà anthologiques (la découverte de Laura, ses premiers accès de violence, le dîner chez les Munson…) marquent durablement l’esprit, tandis que l’iconisation des personnages à l’aide de cadrages et de jeux de lumières savamment réfléchis rend enfin justice au caractère sauvage de Wolverine. Autre grande qualité du film, la découverte de la jeune Dafne Keen dans le rôle de Laura, tous à tour attendrissante ou effrayante et d’une crédibilité à toute épreuve. Même l’inévitable mise en abyme destinée à satisfaire les fans de clin d’œil (les comics dans le film), fonctionne à plein régime en cela qu’elle sert avant tout l’intrigue. Logan avait tout pour être le chef d’oeuvre attendu, le film étendard du genre aux côté de quelques autres.
Une performance ratée de peu, la faute à une dernière partie un peu moins enthousiasmante, des enjeux qui s’étiolent et un affrontement final décevant qui souffre de la comparaison avec la maestria de tout ce qui a précédé. Comme si les exécutifs de la Fox et de Marvel avaient repris la main in-extremis pour recaler le film sur des rails plus permissifs et attendus. Pour autant, Logan est au final un film noir, violent, mais aussi et surtout bouleversant, dans ce qu’il parvient à montrer d’un récit de super-héros adulte et désespéré, et dans son discours de filiation extrêmement juste et sans afféteries. Dernier chapitre d’un cycle, même s’il pourrait relancer la franchise X-Men d’une toute autre manière, avec tout le caractère opportun que cela sous-entend, Logan est surtout la magnifique démonstration du champ du cygne d’un personnage puissant et badass, qui n’a jamais eu autant la classe que lorsque sa vulnérabilité devient évidente…
LOGAN
James Mangold (USA – 2017)
Genre Action – Interprétation Hugh Jackman, Dafne Keen, Patrick Stewart, Boyd Holbrook, Stephen Merchant, Richard E. Grant, Eriq La Salle… – Musique Marco Beltrami – Durée 135 minutes – Distribué par 20th Century Fox.
L’histoire : Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui.
Salut, chouette critique! En voyant la bande-annonce, je me posais une question: comment ce « Logan » s’inscrit-il dans l’univers (cinématographique) des X-Men? Est-ce une suite du Combat de l’Immortel ou un film complètement à part (il est censé avoir perdu ses griffes dans son précédent combat). Bon je sais que l’univers X-Men n’est pas toujours très cohérent, mais tu sais où se situe le film?
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Merci ! C’est vrai que la temporalité des X-Men en général est un peu bordélique 😉 Ici, on est très clairement dans le futur (2029 je crois), donc a priori bien après l’ensemble des films…
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