[Critique] TITAN de Lennart Ruff
Genetic Man


On n’avait plus trop de nouvelle de Sam Worthington. Balancé en première ligne dans la saga Avatar de James Cameron sans en avoir réellement les épaules, le comédien anglais n’a, depuis, clairement pas confirmé son statut de star montante en enchaînant des rôles assez peu marquants (Le Choc des Titans et sa suite, Killing Fields, Sabotage), malgré une prestation plus remarquée et convaincante dans Tu ne tueras point de Mel Gibson. Le voici aujourd’hui en tête d’affiche d’un nouveau film de science-fiction, à l’envergure bien moindre du blockbuster de James Cameron, Titan, réalisé par le nouveau venu Lennart Ruff.
Dans un avenir plus ou moins proche, tout va mal. La Terre n’est plus en mesure d’assurer les ressources nécessaires à la survie de l’humanité. Il faut donc aller voir ailleurs… En l’occurrence sur la planète Titan, proche de Saturne, qui pourrait accueillir l’homme, même si toutes les conditions ne sont pas réunies à la survie de l’espèce. Bonne idée néanmoins, plutôt que tenter de trouver une destination de secours, nos amis les scientifiques réfléchissent sérieusement à mettre en place un processus afin de développer les capacités des êtres humains, pour les adapter à la vie sur Titan. Un postulat qui ne brille pas forcément par son originalité, mais au final pas plus bête qu’un autre. Et qui se trouve plutôt bien exploité dans la première moitié de Titan, qui nous expose ces militaires volontaires, accompagnés de leurs familles, partis se terrer au sein d’un complexe isolé et à l’abri des regards. C’est là qu’ils subissent ces expérimentations génétiques contre-nature visant à les transformer en surhommes. Efficace, jouant assez adroitement des non-dits, des zones d’ombres, des interrogations et inquiétudes des protagonistes, le film de Lennart Ruff surprend agréablement, et flatte même l’œil avec des images soignées, des lumières bleutées garantissant une ambiance froide mais esthétiquement travaillée. Même s’il abuse quelque peu des plans de personnages perdus dans leurs pensées, le regard pointé vers l’horizon, le réalisateur allemand emballe cette première partie avec application.

Crash Test
Malheureusement, cette belle mécanique se grippe quelque peu par la suite. Le film d’anticipation prometteur avec ses belles idées assumées laisse progressivement place à des scènes beaucoup plus attendues et laborieuses, à mesure que les expériences génétiques produisent leurs effets secondaires. Sans déflorer le cœur de l’intrigue, on ne peut pas passer sous silence l’influence évidente d’un film comme La Mouche de David Cronenberg, dans ce que Titan montre des transformations corporelles et du dérèglement mentale qu’elles provoquent. Un rapprochement qui ne joue évidemment pas en faveur du film de Lennart Ruff, qui se frotte aux thématiques de Cronenberg sans y apporter le moindre recul ni le début d’un regard pertinent. Le cinéaste donne dans la deuxième moitié du film l’impression d’avoir tiré toutes ses cartouches et ne plus trop savoir dans quelle direction mener son intrigue. Les enjeux et motivations des personnages deviennent dès lors assez flous et le film accumule alors les incohérences, le fragile équilibre construit jusque là en prend un sacré coup derrière la casquette. Un constat renforcé par la démonstration flagrante d’un manque de moyens qui s’étale à présent à l’écran. Titan marque sérieusement le pas visuellement dans sa dernière partie, sorte de traque cheap, dans un décor de base militaire d’une infinie pauvreté. Le film prend dès lors des allures de téléfilm de bas étage. Une déception donc que ce Titan, prometteur récit d’anticipation, agréable et bien fichu, qui sombre ensuite dans le caricatural et la médiocrité. Dommage, car Taylor Schilling, de la série Orange is the New Black, convaincante en épouse suspicieuse et finalement personnage central du film, forme avec Sam Worthington un couple qui parvient à émouvoir. On pourra néanmoins saluer la pertinence de consacrer un film entier à l’observation de la préparation à l’exploration spatiale, au sens du sacrifice, là où d’autres auraient cantonné cet aspect à un rôle purement introductif… Les amateurs sont prévenus…

TITAN. De Lennart Ruff (USA/Royaume Uni/Espagne – 2018).
Genre : Science-fiction. Scénario : Max Hurwitz, d’après l’histoire de Arash Amel. Interprétation : Sam Worthington, Taylor Schilling, Tom Wilkinson, Noah Jupe… Musique : Fil Eisler. Durée : 97 minutes. Distribué par TF1 Vidéo (15 mai 2018).
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