[Be Kind Rewind] ALERTE LA NUIT de Lloyd Corrigan (1937)
Braquage à l’ancienne

Historiquement, le studio américain Universal est célèbre et reconnu pour ses adaptations des grands monstres de la littérature fantastique au début des années 30 : Dracula, Frankenstein, La Momie, L’Homme Invisible… ont tous fait les beaux jours de la firme. Autant de classiques du cinéma fantastique qui ont su marquer leur époque au sein de la série des “Universal Monsters”. Pourtant, malgré le succès de ces productions, le studio a rapidement souhaité diversifier son catalogue dès la deuxième partie de cette décennie glorieuse. Alerte la nuit (Night Key) est l’un des premiers films affichant cette volonté d’explorer d’autres domaines et destinés à défricher d’autres territoires. Réalisé par Lloyd Corrigan (Le Danseur pirate, 1936) et sorti en 1937, Alerte la nuit est un petit coup de maître, une œuvre méconnue, mais qui mérite pourtant largement le coup d’œil pour ses qualités cinématographiques. Le postulat de base le situe entre le film noir et le polar, avec ses gangsters, ses personnages vicieux et manipulateurs, mais aussi ses héros aussi honnêtes que naïfs. Boris Karloff, sorti de son maquillage de l’inoubliable créature de Frankenstein, endosse cette fois-ci le costume d’un inventeur ayant mis au point une machine en avance sur son temps, une sorte de système d’alarme totalement novateur pour l’époque. Personnage naïf et loufoque, extrêmement touchant au demeurant dans sa relation avec sa fille (Jean Rogers), le professeur Mallory et son invention doublent le récit d’une touche de science-fiction inattendue. C’est ce croisement des genres, finalement assez audacieux pour l’époque, qui apporte le cachet si particulier du film.

Une approche multi-genres
On doit cette approche multi-genres à Lloyd Corrigan et son trio de scénaristes Jack Moffitt, Tristam Tupper, William A. Pierce qui injectent ce qu’il faut d’éléments policiers : des individus mal intentionnés, avides et bien peu recommandables, voient dans l’invention de Mallory une opportunité de contrôler le système pour mieux le contourner et ainsi dévaliser banques et bijouteries à tours de bras. Tout en faisant infuser son aspect gentiment science-fictionnel et en le saupoudrant de scènes romantiques et de comédie. On est d’ailleurs pas très loin de l’ambiance des serials, et c’est tout juste si on ne s’attendrait pas à voir débarquer Batman au sein des décors du film. Le fait est que ce cocktail de genres fonctionne à merveille et se trouve, qui plus est, décuplé par un rythme effréné qui ne laisse pas la place aux temps morts. Le film propose beaucoup en à peine une heure dix de métrage, enchaînant les péripéties tout en emportant le spectateur avec une belle efficacité.
Le film de Lloyd Corrigan n’est pas un chef d’œuvre, mais un spectacle divertissant qui ne faiblit jamais, tourné dans quelques décors avec une belle générosité dans son approche du film de genre(s). Alerte la Nuit est de ces petits films qui font du bien à la cinéphilie, en ce qu’ils redonnent foi dans un cinéma simple (mais pas simpliste), habité et généreux.
ALERTE LA NUIT (Night Key). De Lloyd Corrigan (USA – 1937).
Genre : Policier. Scénario : Jack Moffitt, Tristam Tupper et William A. Pierce. Interprétation : Boris Karloff, Jean Rogers, Warren Hull, Samuel S. Hinds, Alan Baxter, Hobart Cavanaugh. Musique : Louis Forbes. Durée : 68 minutes. Disponible en Blu-ray chez Elephant Films (10 mai 2022).
L’édition Blu-ray d’Elephant Films

TECHNIQUE. L’éditeur Elephant Films propose une très belle copie nettoyée de la plupart de ses défauts, qui plus est, dans un superbe noir et blanc aux contrastes et à la définition solides. Pour un film datant de 1937, on ne saurait quémander meilleur support. Si la seule piste audio disponible est la version originale anglaise, elle s’avère de très bonne qualité : dialogues, effets sonores, musique sont débarrassés des scories éventuelles.
INTERACTIVITE. Qui mieux que l’inimitable et incontournable Jean-Pierre Dionnet pour évoquer avec passion ce film peu connu dans nos contrées et pourtant véritable coup de cœur de l’ex-animateur de Cinéma de quartier qui revient sur l’expérience de sa découverte du film, tout en évoquant la carrière du réalisateur, des comédiens, en premier lieu Boris Karloff, et de l’équipe technique. Il met en avant, par ailleurs, ce qui, à sons sens, rend l’œuvre si particulière et intéressante, notamment sa juxtaposition de tons et de genres.
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