[Be Kind Rewind] TERREUR DANS LE SHANGHAÏ EXPRESS d’Eugenio Martín (1972)
Menace sur le Transsibérien

L’association Christopher Lee/Peter Cushing a fait les beaux jours de la Hammer films, mais a également su s’émanciper de la célèbre société de production britannique. La preuve avec ce Terreur dans le Shanghaï Express réalisé par Eugenio Martín et sorti en 1972. Le duo n’est pas le moindre atout de cette coproduction hispano-britannique qui a frappé le cœur des amateurs de cinéma Bis en son temps. Le film peut, en effet, s’appuyer sur un certain nombre de qualités indéniables qui le portent encore aujourd’hui, près de cinquante ans après sa sortie. L’action se passe au début du XXe siècle, au cours d’un voyage du Transsibérien, dans lequel le paléontologue Alexander Saxton (Christopher Lee) rapatrie à Londres une caisse renfermant le corps d’un hominien, conservé dans la glace depuis deux millions d’années. La mystérieuse trouvaille de Saxton semble intéresser plusieurs passagers du train, notamment son ami biologiste, le Dr Wells (Peter Cushing). Mais les choses se compliquent lorsque surviennent des meurtres inexplicables… A la fois film de monstre, huis-clos sur rails, whodunit aux têtes d’affiche prestigieuses, Terreur dans le Shanghaï Express se révèle une production ambitieuse. Et le modeste Eugenio Martín, spécialiste du western spaghetti, y fait le job de belle manière. Avec cette histoire aux frontières de la SF horrifique, il ne semble faire aucun doute que le réalisateur et les deux scénaristes Arnaud d’Usseau et Julian Zimet avaient dans un coin de leur tête le roman La Chose de John W. Campbell paru en 1938, qui a donné lieu à une première adaptation au cinéma par Christian Nyby (et officieusement Howard Hawks) La Chose d’un autre monde en 1951, et surtout au gigantesque The Thing de John Carpenter en 1982. On y retrouve la description relativement similaire d’une menace inconnue qui contamine progressivement les occupants d’un lieu clos et sans échappatoire, en l’occurrence les passagers du train. Une inspiration non-officielle mais qui semble assez incontestable.


A poils et à vapeur
Terreur dans le Shanghaï Express affiche donc une certaine ambition et joue assez adroitement des subtilités du décor exigu du train, dont l’espace est astucieusement mis à profit par la mise en scène inspirée d’Eugenio Martin. Le cinéaste et son directeur de la photographie Alejandro Ulloa façonnent un film qui tient visuellement toutes les promesses d’une production assez peu argentée, mais qui sait mettre en valeur les moyens à sa disposition, avec un sens du spectacle et du mystère assez remarquable. Si certains effets spéciaux de maquillage ont quelque peu vieilli aujourd’hui (le bras poilu de la bête), que certains autres plus suggestifs sont bien plus convaincants (les yeux rouge sang pour identifier la créature, toujours efficace), le rythme avec lequel le film est emballé emporte clairement l’adhésion. Il s’en dégage d’ailleurs un agréable parfum de cinéma Bis, honnête et efficace, qui prend ici toute sa grandeur. Si le mystère de la créature est vite éventé et que le suspense reste assez relatif, la succession des morts violentes et les réactions et actions des personnages apportent une modernité indéniable à l’intrigue. A noter tout de même l’irruption haute en couleurs de Telly Savalas en révolutionnaire cosaque dans la deuxième partie du film, l’interprète de Kojak profitant de la fin du tournage du précédent film d’Eugenio Martin, Pancho Villa, pour venir rendre service. En résulte un ressort scénaristique et surtout une incarnation en roue libre qui viennent relancer la machine de belle manière.
Véritable friandise pour tout amateur de cinéma horrifique Bis, Terreur dans le Shanghaï Express n’a rien perdu de son efficacité, cinquante ans après sa sortie. Tombé dans le domaine public sur le territoire américain en raison de négligences concernant ses droits d’exploitation, le film est devenu une (petite) référence dans la pop culture, comme le prouve son utilisation assez astucieuse dans l’un des épisodes de la saison 2 de la série Creepshow. L’illustration d’un impact toujours réel et d’une place particulière dans l’histoire du cinéma horrifique.

TERREUR DANS LE SHANGHAÏ EXPRESS (Pánico en el Transiberiano). D’Eugenio Martín (Royaume Uni/Espagne – 1978).
Genre : Horreur. Scénario : Arnaud d’Usseau et Julian Zimet. Interprétation : Christopher Lee, Peter Cushing, Telly Savalas, Alberto de Mendoza, Silvia Tortosa, George Rigaud… Musique : John Cacavas. Durée : 91 minutes. Distribué en vidéo par Le Chat qui Fume (1er décembre 2022).
L’édition Blu-ray du Chat qui Fume

TECHNIQUE. Proposé dans un boitier plastique plus classique que les éditions cartonnées habituelles du Chat qui Fume, Terreur dans le Shanghaï Express reste néanmoins une proposition technique incontournable. Le rendu très moyen du DVD de LCJ Editions est de l’histoire ancienne. L’image HD de ce film des 70’s est dépourvue de toutes scories, griffures, tâches et autres défauts, offrant ainsi une copie absolument admirable, parfaitement équilibrée au niveau des contrastes et des couleurs, pour des conditions de visionnage exemplaires.
Le son de cette édition ne gâche rien, deux pistes en anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono qui bénéficient d’une belle restauration, proposant au final des versions très claires et dynamiques des dialogues et des sons d’ambiance.
INTERACTIVITE. Outre la bande-annonce du film, on a droit à deux suppléments pour cette édition. Le premier donne la parole à l’éternel journaliste de Starfix et Mad Movies, l’inaltérable Christophe Lemaire qui, dans son style si caractéristique, évoque ses souvenirs personnels de découverte du film, qui l’a marqué au point de constituer pour lui une pierre angulaire du cinéma Bis. Tout en recontextualisant une époque qui lui colle à la peau et une approche de la cinéphilie si particulière, le journaliste clame son amour pour le film d’Eugenio Martín à grand renforts d’anecdotes (25′). Dans le second module, Philippe Chouvel évoque le film et sa conception, au sein d’un dispositif technique assez minimaliste et austère, qui ne n’incite malheureusement pas trop au visionnage… (16′).
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