THE DEEP - SURVIVRE de Baltasar Kormákur

THE DEEP - SURVIVRE de Baltasar Kormákur

Avec The Deep – Survivre, le réalisateur islandais Baltasar Kormakur replonge dans un événement tragique de son pays. Au travers d’un fait-divers qui a vu un chalutier sombrer au large des côtes islandaises en 1984, il s’efforce de suivre le calvaire de l’unique survivant naufragé. Ce nouveau film du réalisateur de Jar City s’embarque au premier abord dans le genre du « survival aquatique », à la manière du All is Lost de J.C. Chandor (qui sortira en France le 11 décembre prochain). Pourtant, même si l’essentiel du récit tourne autour de ce fait dramatique, au cours duquel plusieurs marins perdirent la vie, il serait trompeur de le réduire à cet unique élément. Le naufrage et la survie du personnage principal ne représentent en effet qu’une demi-heure du métrage, ce qui est à la fois peu est beaucoup. D’un réalisme stupéfiant, la scène est aussi dramatique qu’elle est resserrée. En quelques minutes seulement, l’embarcation est sous les eaux, et la poignée de marins survivants commencent à lutter pour tenter d’échapper à une mort qui leur tend inexorablement les bras. Un combat perdu d’avance dans des eaux glaciales… Sauf pour le personnage de Gulli, qui voit ses camarades disparaître les uns après les autres, et qui devra trouver les ressources nécessaires pour contrecarrer le destin…

THE DEEP - SURVIVRE de Baltasar Kormákur

Hantise

Malgré la durée limitée du film (1h30), Baltasar Kormakur prend le temps de poser son regard de cinéaste sur l’avant drame, où il installe ses personnages pour mieux faire jaillir l’émotion, et surtout l’après. Au-delà du caractère spectaculaire du naufrage du chalutier, les conséquences, les blessures psychologiques et séquelles physiques qui découlent de ce drame et de l’inexplicable survie du personnage semblent être ce qui intéressent en premier lieu le réalisateur. Le film insiste sur le caractère quasi miraculeux du sauvetage de Gulli, qui a passé six heures à se débattre dans une eau glacée. Le personnage, un grand gaillard rondouillard, a su trouver au fond de lui-même les ressources nécessaires pour nager, s’extirper de cette eau noirâtre, et rejoindre la terre ferme, profitant de sa constitution physique hors du commun. En ce sens, le film ne cesse de confronter physique et esprit. Alors qu’il peine à se remettre moralement de la tragédie, qu’il est hanté dans ses cauchemars par l’image de ses compagnons noyés, Gulli fait parallèlement l’objet de tests physiques très poussés, afin que les scientifiques de son pays puissent tenter de comprendre comment cet individu à première vue ordinaire a pu survivre à une mort certaine. Les séquences à Londres, le montrant immergé dans une eau glacée aux côtés de Marines aguerris, qui ne peuvent rivaliser avec lui sur le plan de l’endurance, sont à la fois hallucinantes et tragi-comiques.

THE DEEP - SURVIVRE de Baltasar Kormákur

Deuil et pudeur

Pour Gulli, l’expérience traumatique du naufrage est également une révélation, lui qui, enfant, était socialement en retrait, trouve là un nouvel élan de volonté pour tenter d’aller à la rencontre de la femme qu’il aime depuis toujours sans jamais avoir osé lui en parler. Il se découvre également une célébrité aussi soudaine qu’impromptue, et doit faire avec ce que cela sous-entend en obligations et contraintes. Répondre aux journalistes, mais également honorer la parole laissée à un compagnon décédé, et visiter la femme et les enfants de ce-dernier, tous dans l’incompréhension de la perte de l’être cher. The Deep est à cet égard un film très juste sur le deuil, douloureux dans ses images de détresse, mais toujours très pudique. Un sillon nostalgique que le film creuse en s’appuyant sur des images d’archives relatant un douloureux passé, lorsque l’île est évacuée face à l’urgence engendrée par l’éruption d’un volcan. Des images là aussi très fortes, qui resurgissent et sont mises en parallèle avec le drame présent vécu par Gulli. Car le film, rude comme une bulle de lave séchée sur laquelle le héros s’entaille les pieds, fonctionne comme une boucle, à l’image de la vie, et de l’ultime plan, lorsque le marin se décide à reprendre la mer pour faire face à ses démons…


THE DEEP – SURVIVRE
Baltasar Kormákur (Islande – 2012)

Note : 3Genre Drame maritime – Interprétation Ólafur Darri Ólafsson, Þorbjörg Helga Þorgilsdóttir, Theódór Júlíusson… – Musique Daniel Bjarnason et Ben Frost – Durée 95 minutes. Disponible depuis le 30 septembre en DVD et Blu-Ray chez Bac films.

L’histoire : Tiré d’une histoire vraie. Hiver 1984, un chalutier sombre au large des cotes islandaises. Les membres de l’équipage périssent tous en quelques minutes. Tous sauf un. Dans l’eau glaciale, cette force de la nature parvient, au terme d’une nage héroïque de plus de 6 heures, à regagner la terre. Face à l’incrédulité générale devant son impensable exploit, la vie de cet homme d’apparence ordinaire est alors bouleversée…

Critique réalisée en partenariat avec Cinetrafic, qui propose notamment toutes les bandes annonces des dernières sorties.

Une réponse à « [Critique] THE DEEP – SURVIVRE de Baltasar Kormakur »

  1. […] développée avec beaucoup de justesse et une économie de moyens surprenante dans son excellent The Deep – Survivre, où un pêcheur dont le chalutier a sombré en pleine mer, doit trouver les ressources […]

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