[Be Kind Rewind] NECRONOMICON de Brian Yuzna, Shûsuke Kaneko et Christophe Gans (1993)

Cthulhu rises !

Necronomicon

Lorsqu’il sort sur les écrans en 1993, Necronomicon se veut une pure série B assumée. Vingt ans après, le film a pris quelques rides, mais n’a pas perdu son pouvoir d’attractivité. Plusieurs raisons à cela. Les adaptations des écrits d’H.P. Lovecraft, pour autant que leur qualité d’ensemble n’est pas toujours à la hauteur de l’oeuvre de l’écrivain, ont toujours donné lieu à une forme de curiosité évidente. Ensuite, le carcan du film à sketchs est souvent un petit plaisir coupable, bien que la réussite ne soit pas, là non plus, toujours au rendez-vous. Enfin, voir associer les noms de Brian Yuzna et Christophe Gans au sein d’un même film participe à éveiller la curiosité…
En 1993, Brian Yuzna est un petit maître de la série B haut de gamme. Des titres comme Society, Ré-Animator 2 ou Le retour des morts-vivants 3 ont façonné une oeuvre entièrement dédiée au cinéma d’horreur, souvent à faible budget, mais motivée par une passion et un savoir-faire inébranlables. Même si la suite de la carrière du bonhomme viendra quelque peu ternir une filmographie irréprochable jusque là (Progeny, Faust…), Yuzna s’intéresse de près au projet d’une adaptation de Lovecraft… Le cas de Christophe Gans est différent. Premier long-métrage pour l’ancien journaliste et rédacteur en chef de Starfix, Necronomicon annonce sans qu’on le sache à l’époque, toute la filmographie de l’auteur du Pacte des Loups. Avec une particularité commune à Yuzna, celle d’avancer avec la passion et le respect du genre. Pourtant, les deux hommes ne partagent pas la même sensibilité du cinéma fantastique et d’horreur, Gans ayant une approche plus atmosphérique et référentielle, tandis que Yuzna développe un cinéma ouvertement gore, mais toujours doté de messages subversifs. Necronomicon vient à point nommé réunir les deux hommes pour confirmer les aptitudes de l’un et lancer dans le grand bain le savoir-faire de l’autre.

Necronomicon

Ambiance et décadence

The Drowned, le segment réalisé par Christophe Gans, est une libre adaptation de Lovecraft, dans laquelle le cinéaste français injecte l’ADN de ce qui fera sa filmographie future. Il est en effet intéressant de relever les correspondances entre ce premier travail et les films suivants du cinéaste (la féminisation du récit notamment). Un homme ayant perdu sa femme hérite du manoir d’un ancêtre, lui-même disparu dans des conditions étranges… Avec son unité de lieu, gothique à souhait, sa malédiction ancestrale, et son romantisme latent, le segment est une belle illustration de ce que peut présenter un récit de Lovecraft à l’écran. Gans  affiche une maîtrise remarquable pour une première réalisation à ce niveau, et emploie les ingrédients du cinéma qu’il aime et qu’il a défendu en tant que journaliste (Bava, Fisher) au sein d’une mise en scène très élégante. De toute évidence, The Drowned est l’histoire la plus directement « lovecraftienne » des trois qui nous sont proposées.
Brian Yuzna, lui, ne se renie pas avec la réalisation du sketch Whispers. Toujours friand des univers gorgés de chairs sanguinolentes en fusion, l’auteur de Society livre là le segment le plus gore et le plus malsain. Doté d’un scénario assez anecdotique, Whispers vaut pour ses personnages de marginaux inquiétants, ses débordements sanguinolents au sadisme évident, et à son message virulent sur l’avortement. Une jeune flic enceinte poursuit un tueur jusque dans les sous-sol de la ville, où elle va découvrir un univers terrifiant et décadent… Même si on pourra faire remarquer que l’esprit de Lovecraft n’est pas immédiatement identifiable ici, Brian Yuzna livre un segment horrifique de tout premier ordre.

Necronomicon

Fauché mais inventif

Un niveau que ne saura pas atteindre le troisième larron de la bande, Shûsuke Kaneko (Death Note, Gamera), qui opte pour sa part pour l’adaptation de la nouvelle Air Froid du créateur de Cthulhu. Bien trop académique, mal rythmée et bénéficiant d’une interprétation pas toujours très juste (malgré David Warner), l’histoire centrale de cette anthologie (une jeune locataire découvre que son voisin est un scientifique assassin) est la plus faiblarde des trois. Les effets spéciaux ne sont pas non plus à la hauteur (budget limité oblige), même s’il s’agit d’un constat pour l’ensemble du film, puisque les cinéastes ont du se battre pour chaque effet à l’écran. A noter le fil rouge de l’anthologie, sorte de quatrième histoire en elle-même, qui présente le personnage de Lovecraft, interprété par l’inoxydable Jeffrey Combs (Ré-Animator), à la recherche du Necronomicon. Un peu cheap mais efficace.
Vingt ans après sa sortie, Necronomicon reste à ce jour l’une des meilleures adaptations à l’écran de l’oeuvre de Lovecraft. Bien que bardée de défauts évidents, le film se veut également une pure série B, sans beaucoup de moyens mais bourrée d’idées, dotée d’un casting de trognes du genre (Bruce Payne, Richard Lynch, Jeffrey Combs…) Le film affiche toujours une belle vitalité, l’édition DVD proposant par ailleurs une section de bonus riche et sans langue de bois. Christophe Gans, Brina Yuzna ou encore le compositeur Joseph LoDuca s’y livrent sans détour, apportant un complément idéal à un film inégal mais sincère. Une rampe de lancement pour Christophe Gans, une confirmation du talent de Brian Yuzna, le tout sous l’égide du producteur français Samuel Hadida (qui travaillera notamment avec Gans sur Crying Freeman). Une bande de passionnés pour une « bande » toujours nettement recommandable…


NECRONOMICON
Brian Yuzna, Shûsuke Kaneko et Christophe Gans (USA/France/Japon – 1993)

Genre Horreur – Avec Jeffrey Combs, Bruce Payne, Richard Lynch, David Warner, Belinda Bauer… – Musique Daniel Lichet et Joseph LoDuca – Durée 96 minutes. Distribué par Metropolitan Filmexport (18 juin 2014).

Synopsis : En quête d’inspiration, Howard Philip Lovecraft s’infiltre dans les sous-sols d’une bibliothèque renfermant le Necronomicon, grimoire maléfique rédigé sur une peau humaine. Cette lecture va lui inspirer trois histoires terrifiantes.


Chronique en partenariat avec Cinetrafic, qui permet de retrouver des listes film d’horreur et film science-fiction 2014.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

3 Comments on [Be Kind Rewind] NECRONOMICON de Brian Yuzna, Shûsuke Kaneko et Christophe Gans (1993)

  1. C’est exactement ça: fauché mais inventif !
    Et foutrement sympatoche !!!

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  2. Et les bonus sont excellents ! Gans a toujours eu du bagou sur ses films… La production compliqué de Necronomicon lui donne du grain à moudre. C’est passionnant. Les bonus valent à eux seuls l’achat du DVD.

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