[Critique] CONJURING 2 : LE CAS ENFIELD de James Wan
Au nom du Seigneur, je vous botte le cul !
Conjuring 2 : le cas Enfield. Nouvel échelon dans la carrière unilatéralement orientée « film de genre » de l’excellent James Wan. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les fans, vu le talent et le respect immodéré pour le genre qu’éprouve le cinéaste. Après une embardée du côté du film d’action (Fast and Furious 7), le réalisateur de Saw revient à ses premiers amours : le film d’horreur à tendance flippomètre au zénith, avec la suite de son très réussi Conjuring : les dossiers Warren.
Acte 1 : Enflammade totale
S’il est bien un réalisateur actuel que l’on peut sans contestation possible classer parmi les plus doués en terme de film d’horreur, c’est bien James Wan. En l’espace d’une poignée d’oeuvres (Dead Silence, Insidious, Conjuring), le jeune cinéaste australien a démontré ses capacités à comprendre les ficelles de la peur et surtout à les retranscrire avec un certain brio. Ce qui n’est pas donné à tout le monde… A tel point qu’attendre un film de Wan aujourd’hui, c’est savoir qu’on en aura clairement pour son argent niveau pétoches, que l’ensemble sera excellemment emballé et efficace. Bref, qu’on ne se moquera pas de nous. Bingo avec ce deuxième opus de la saga consacrée aux époux Warren. S’il en était encore quelques uns à douter de la maîtrise de James Wan et surtout de sa foi en l’outil cinématographique, les premières minutes de ce Conjuring 2 finiront de convaincre les plus sceptiques. L’entrée en matière est de celles qui vous prend aux tripes pour ne plus vous lâcher. Trait d’union entre le précédent film et la nouvelle affaire de cette suite, le prologue revisite les événements narrés dans Amityville – La maison du Diable (Stuart Rosenberg, 1980), en y incluant Ed et Lorraine Warren, pour une première plongée dans l’horreur déjà suffocante et plutôt jusqu’au-boutiste. Toute la grammaire cinématographique de James Wan est déjà là. Toute sa rigueur technique également. Caméra fluide et virevoltante qui caresse les murs de la célèbre bâtisse, au sein d’un plan séquence assez bluffant de maîtrise pour s’achever sur un premier climax horrifique à faire dresser les poils sur les bras. Fin du prologue, avec un carton-titre péremptoire sur fond de chœurs solennels, place à la suite, mais on est déjà K.O. debout. Wan est un génie du cinéma horrifique, et de toute évidence le digne descendant des Sam Raim et autres John Carpenter.
Evidemment, on se dit qu’une telle entrée en matière ne pouvait qu’entraîner une baisse de tension ensuite. Que nenni. Place à l’Angleterre des 70’s et à l’introduction de la famille Hodgson dont l’une des fillettes, Janet, montre des signes de possession. Wan ne relâche pas le soufflet, et remet au contraire un sacré coup de pression avec ces scènes d’angoisse nocturne où enfant somnambule, apparitions maléfiques et autres coups portés achèvent d’instaurer ce qui s’annonce comme le film le plus flippant de l’histoire… (?) Pour les amateurs de mise en scène millimétrée et huilée pour provoquer la peur, la jouissance est totale. Utilisation de l’espace, du hors-champ, de la lumière et des ombres, la gestion du temps, du timing, la bande-son évocatrice… Toutes les règles du (bon) cinéma d’angoisse et de suspense sont étalées sous nos yeux ébahis. Là où la plupart des cinéastes font usage de pauses libératrices après de telles séquences de tension, Wan décide d’appuyer là où ça fait mal et d’enchaîner sans répit les moments de bravoure horrifique durant une bonne moitié de film, tel un ride en grand huit qui s’acharnerait à rester au sommet. Le nirvana du film d’horreur tiendra-t-il cette hallucinante note d’intention durant plus de deux heures de film ? Bon, la réponse est non.




Acte 2 : Douche froide
Pour autant, malgré tout l’enthousiasme déclenché ci-dessus, Conjuring 2 n’a finalement pas l’étoffe pour détrôner L’Exorciste de William Friedkin de son piédestal (la comparaison devient obligatoire). En dépit de toutes ses qualités de mise en scène, le film de James Wan pêche sur certains points liés en grande partie à son scénario et à sa construction dramatique. Première évidence, il n’y a pas grande originalité à dérouler ce récit de cas de possession somme toute classique, tel qu’on l’a déjà vu maintes fois et pas plus loin que dans le précédent opus. Un désagréable sentiment de déjà-vu s’empare rapidement du spectateur. Le film a beau être un accélérateur de particules émotionnel, il tient essentiellement sur ses scènes de possession et de montée d’angoisse, comme un enchaînement de moments de bravoure qui, aussi réussis soient-ils, ne semblent pas légitimés par un récit suffisamment solide. Par ailleurs, les différents personnages secondaires et les enjeux qu’ils sous-tendent alourdissent considérablement l’intrigue (la journaliste qui tente de faire croire à une supercherie). Quant au couple vedette, les époux Warren, ils sont interprétés avec conviction par Vera Farmiga et Patrick Wilson, mais leur implication semble plus mécanique que lors du premier chapitre, et malgré un doute sur le bien-fondé et les risques de leur activité instillé en début de métrage, piste intéressante finalement laissée de côté, ils parcourent ce second épisode tels des archétypes de Mulder et Scully, qui plus est motivés par une religiosité un peu trop évidente et envahissante. Des aspects qui peuvent gêner, d’autant que le film peine clairement à tenir la longueur (extrêmement exagérée) de 2 h 15, ponctuée d’un climax un peu trop mécanique lui aussi (malgré la belle trouvaille du point de vue subjectif flou) et attendu sous tous ses aspects.
Dès lors, on en vient à dresser un bilan mitigé de ce Conjuring 2. On adorerait le porter aux nues tant son auteur a tout compris du cinéma horrifique et que le cynisme ne fait pas partie de son vocabulaire (cinématographique). Mais à trop vouloir bien faire, à vouloir contenter les amateurs de frisson avec autant de maîtrise que de respect, James Wan en oublie un peu la matière première de son film pour s’adonner à ce qui semble le passionner en premier lieu : la mise en scène. C’est dommage car le bonhomme n’a pas son pareil pour créer des créatures horrifiques de premier ordre (la nonne risque de bouleverser quelques nuits). Et si le film respire l’horreur telle qu’on l’aime sur un écran, il s’en dégage une sensation un peu trop « fête foraine grand guignol », là où on aurait aimé une tension plus sèche et crue, à l’image de L’Exorciste (toujours lui, désolé…).
En l’état, Conjuring 2 : le cas Enfield reste un film marquant, s’approchant de la perfection dans sa première moitié et se plaçant des coudées au-dessus du tout venant dans le genre. Il est dommage qu’il soit pourtant handicapé sur bien des points pour ne pas emporter l’adhésion totale. Un déséquilibre désagréable et très frustrant…
CONJURING 2 : LE CAS ENFIELD. De James Wan (USA – 2016).
Genre : Horreur. Scénario : Chad Hayes, Carey W. Hayes, James Wan, David Leslie Johnson. Interprétation : Vera Farmiga, Patrick Wilson, Frances O’Connor, Madison Wolfe… Musique : Joseph Bishara – Durée : 134 minutes.
Entièrement d’accord avec la critique. Le film est hyper efficace, il atteint par moments des sommets d’angoisse. Mais il est trop long (le scénario aurait gagné à être allégé), certains personnages sont inintéressants, et Wan en fait parfois un peu trop (il sur-filme l’arbre dans le final, la possession de Janet rappelle trop « L’exorciste »). Mais ça reste un très bon film d’épouvante.
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