[Critique] SECTION 99 – QUARTIER DE HAUTE SÉCURITÉ de S. Craig Zahler
Zonzon


En 2015, Bone Tomahawk avait marqué son monde avec son audacieux mélange de western horrifique aux accents cannibales. Plus encore, la mise en scène et le rythme lancinant avaient éveillé la curiosité sur son auteur, S. Craig Zahler, connu jusqu’alors pour avoir co-scénarisé l’excellent The Incident du Français Alexandre Courtès. Bone Tomahawk confirmait déjà un goût certain pour les productions de genre, et une approche généreuse en pures moments de cinéma, et surtout hermétique aux modes actuelles.
Section 99, sorti deux ans plus tard (et débarquant direct en vidéo chez nous aujourd’hui), confirme haut la main les orientations du cinéaste et sa propension à explorer les arcanes du cinéma bis, tout en y adjoignant une élégance folle dans la forme. Délaissant les plaines sauvages du Far West, S. Craig Zahler développe un deuxième long-métrage plus urbain, lorgnant du côté du thriller, du film de gangster et de son dérivé, le film de prison. Le massif Vince Vaughn, rasé à blanc et arborant une imposante croix derrière le crâne, y campe Bradley, un ancien boxeur repris de justice qui replonge suite à un trafic de drogue raté. Un protagoniste taiseux aux principes moraux bien ancrés. Viré par son employeur, apprenant dans la foulée que sa femme (la toujours cool Jennifer Carpenter) le trompe, le gars intériorise et se défoule sur la voiture de sa conjointe (impressionnante scène de carnage à mains nues). Durant une heure, S. Craig Zahler suit son personnage au plus près, filmant les trajets en voiture, les aléas d’un couple éprouvant des difficultés à avoir un enfant, les combines de malfrats, avec un sens précis du détail et de la durée. Cette première partie de Section 99 intrigue déjà au même titre qu’elle suscite l’intérêt. Les dialogues ne sont pas légions mais claquent et la caméra de Zahler, tout en grand angle, éclairé d’une lumière vive, nous flatte la rétine. Voilà déjà de quoi nous rendre heureux…

Descente aux enfers
Pourtant, le film bascule littéralement dans sa seconde partie, alors que Bradley file en prison pour sept ans, ce qui le prive d’assister à la naissance de sa fille. C’est le pivot du film et le moment à partir duquel S. Craig Zahler se fait un malin plaisir de lâcher la bride. Face aux péripéties rencontrées derrière les barreaux, toute la moralité et le code d’honneur de Bradley sont alors mis à rude épreuve, mais il ne vacille jamais. C’est un foutu roc, tant physiquement que mentalement. Le personnage a des valeurs et des objectifs (vengeance, protection de sa famille à distance) et usera de tous les moyens pour arriver à ses fins. Lorsqu’il force son destin en se faisant transférer dans la fameuse “Section 99”, prison de haute sécurité tenue de main ferme par Warden Tuggs (génial mais un peu sous-exploité Don Johnson), le film devient un pur comic book, avec ce qu’il faut de violences, de brutalité et d’exagérations. Il faut voir les combats à mains nues particulièrement corsés, ces corps lourds qui s’emplafonnent, dotés d’effets spéciaux “en dur” alliant grossièreté et efficacité (explosion de tête, visage raclé au sol, décapitation à coups de pieds). Section 99 ne lésine sur aucun excès dans sa dernière partie, une véritable descente aux enfers, faisant basculer le film d’une certaine forme de réalisme à un cinéma plus proche de l’abstraction jubilatoire.
Malgré quelques longueurs minimes et quelques raccourcis scénaristiques bien pratiques, le second long-métrage de S. Craig Zahler n’en reste pas moins une pure bande d’exploitation dans ce que cela représente de plus noble, et affiche, à l’image de Bone Tomahawk, une personnalité forte et à contre-courant de la production actuelle. Vince Vaughn y est énorme, d’une présence physique et d’une intensité dingues. On attend donc avec beaucoup d’impatience Dragged Across Concrete, prochain effort du cinéaste, toujours avec Vince Vaughn, mais aussi Mel Gibson, présenté récemment à la Mostra de Venise.
SECTION 99 – QUARTIER DE HAUTE SECURITE. De S. Craig Zahler (USA – 2017).
Genre : Thriller. Scénario : S. Craig Zahler. Interprétation : Vince Vaughn, Jennifer Carpenter, Don Johnson, Udo Kier, Marc Blucas… Musique : Jeff Herriott et S. Craig Zahler. Durée : 132 minutes. Distribué en vidéo par Universal (25 septembre 2018).
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