[Critique] SORCIERE – CINQ JOURS EN ENFER de Neil Marshall
Ma Sorcière bien aimée

A une époque pas si lointaine, le nom de Neil Marshall évoquait encore l’espoir d’un cinéma fantastico-horrifique de qualité. Le réalisateur britannique faisait partie de cette relève qui devait emboîter le pas des figures tutélaires alors à bout de souffle. A la sortie de The Descent en 2005, très clairement son film le plus abouti, on voyait en lui un potentiel énorme pouvant alimenter un cinéma de genre le plus sérieux et efficace possible. Dire que la suite de sa carrière est déceptive est un euphémisme. Enchaînant les séries B à la limite du Z avec une régularité qui n’a d’égale que leur approche premier degré, bourrine et pour le moins vulgaire (Doomsday, Centurion), Marshall n’a cessé de creuser un sillon assez éloigné des attentes portées en lui, si l’on excepte quelques épisodes de Game of Thrones ou Westworld venant rappeler à quel point le bonhomme fait état d’une certaine maîtrise technique. Avec en point d’orgue le crash Hellboy en 2019, première grosse production du cinéaste, fracassée par la critique et ignorée par le public. Un désastre un peu sévère au regard de cette adaptation correcte du comics de Mike Mignola. C’est assez logiquement qu’on le retrouve ensuite aux manettes d’un budget bien plus modeste, histoire de se refaire la cerise, avec Sorcière – Cinq jours en Enfer (The Reckoning en VO), sorti directement en vidéo.
Comme son merveilleux titre français l’évoque avec subtilité, Sorcière – Cinq jours en Enfer suit la dramatique trajectoire d’Evelyn Haverstock, une veuve hantée par la mort de son mari dans l’Angleterre ultra-souple du XVIIe siècle, alors plongée en pleine peste noire. Accusée de sorcellerie et traquée par un juge bien décidé à la voir rôtir sur un bucher, la jeune femme subit les pires sévices alors qu’elle fomente sa vengeance. Un sujet qui ne prête pas forcément à la rigolade, et qui n’est pas sans évoquer (toutes proportions gardées) The Witch, le chef d’œuvre esthético-atmosphérique de Robert Eggers. Pourtant, la comparaison va s’arrêter là, tant le film de Marshall s’embarque dans une approche et un ton radicalement différents. En adepte du premier degré brut de décoffrage, le cinéaste n’a que faire des niveaux de lecture et autres symboles. Son sixième film ne se perd pas dans des digressions sans fin et va à l’essentiel : de la chasse aux sorcières, des personnages esquissés à la serpe, des scènes de torture, le tout pimenté de visions sataniques. On navigue dans de la série B… à tendance Z.



Un amour de sorcière
Premier constat, Sorcière – Cinq jours en Enfer ne démérite pas sur le plan visuel, Marshall et son directeur de la photo Luke Bryant se font plaisir à reconstituer une atmosphère gothique avec leurs maigres moyens qu’ils parviennent de temps en temps à transcender. Mais ces quelques moments d’inspiration se heurtent malheureusement à des scènes beaucoup moins inspirées, où le poussif et maniéré (l’introduction hysterico-larmoyante) côtoie le manque d’inspiration total (globalement tout le deuxième acte dans le cachot), où le manque de budget se fait davantage sentir. Dans ces instants, le film est beaucoup moins convaincant et devient même gênant. Ce sentiment de gêne ne va faire que s’amplifier alors que le parcours de martyr de l’héroïne se déroule sous nos yeux ébahis… Car il faut bien le dire, la prestation de Charlotte Kirk dans le rôle titre fait peine à voir, tant la jeune femme semble incapable de jouer avec un soupçon de conviction la tristesse, l’effroi, ou toute autre émotion. Une interprétation trop approximative pour un rôle difficile et exigeant, qui vient démontrer que la comédienne n’a ni les épaules, ni la prestance pour interpréter Evelyn. Le fait qu’elle soit coscénariste, coproductrice du film et, cerise sur le gâteau, compagne du réalisateur, rend sa présence à l’écran extrêmement pénible…
On pourra également souligner que, dans sa logique de série B très premier degré, le film n’a pas non plus grand chose à raconter. Co-auteur du scénario au côté d’Edward Evers-Swindell et de Charlotte Kirk, Marshall livre ici un récit linéaire et sans grande surprise, qui se permet même de désamorcer les scènes de torture attendues en jouant du hors champ (à la limite, pourquoi pas), tout en se révélant pompier en diable lorsqu’il ne peut s’empêcher de filmer une scène de sexe purement gratuite et un final aux frontières du nawak. Si l’on ajoute à cela un montage pas toujours très inspiré, des images naviguant entre puissance évocatrice et iconisation excessive, on voit bien que Sorcière – Cinq jours en Enfer se trouve constamment sur la corde raide, à la frontière du ridicule. Le discours empesé sur la condition féminine et l’émancipation forcée de l’héroïne sont tellement balourds, qu’ils sont à placer parmi les moments les plus embarrassants vu récemment. Ce qui manque le plus à Sorcière – Cinq jours en Enfer, c’est un point de vue sur son sujet. Le réalisateur de Dog Soldiers et sa compagne livrent un récit bête et méchant et une vitrine à Charlotte Kirk rendant le film presque antipathique. On pourra se laisser distraire par cette chasse aux sorcières assez vulgaire et bas du front, on pourra également la trouver inconsistante, de mauvais goût et d’une bêtise crasse.

SORCIERE – CINQ JOURS EN ENFER
Neil Marshall (USA – 1987)
Genre Horreur – SCENARIO Neil Marshall, Charlotte Kirk et Edward Evers-Swindell – Avec Charlotte Kirk, Sean Pertwee, Steven Waddington, Joe Anderson, Rick Warden… – Musique Christopher Drake – Durée 110 minutes. Distribué en DVD, Blu-Ray, et VOD le 20 mai 2021 par Metropolitan Films Vidéo , sa page Facebook et sa page Twitter.
Synopsis : Angleterre, 1665, la chasse aux sorcières et la Grande Peste font rage en Europe. Une jeune veuve, Evelyn Haverstock, est hantée par le suicide récent de son mari, Jospeh. Après avoir refusé les avances de Pendleton, le notable du comté, celui-ci fou de rage et de jalousie l’accuse d’être une sorcière.
L’édition Blu-ray de METROPOLITAN FILMS VIDEO

TECHNIQUE. Comme souvent avec Metropolitan, le disque proposé est d’un très bon niveau technique, avec une image dotée d’une très bonne définition, marquante notamment dans les plans nocturnes où les noirs charbonnent à fond la caisse. La gestion des couleurs tout comme celle des contrastes s’avère d’excellente tenue.
Rien à redire également concernant la bande-son, divisée en deux pistes anglaise et française délivrées en DTS HD Master audio 5.1. C’est propre, clair et dynamique.
INTERACTIVITE. Néant.
Chronique réalisée en partenariat avec Cinetrafic. Production récente, Sorcière – Cinq jours en Enfer comporte des scènes façon film d’horreur, et ambitionne de figurer parmi les bons films du genre, aux côtés d’His House, que l’on peut retrouver dans le classement des meilleurs films Netflix.
Lire ton papier après avoir lu celui de Mad Movies ne donne guère envie d’y investir un kopek… d’autant que j’avais déjà copieusement détesté Doomsday et Hellboy…
En revanche, j’aime plutôt bien Dog Soldiers et j’adore The Descent…
Pas vu Centurion mais il parait qu’il n’est pas mal…
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The Descent reste son film le plus intéressant et maîtrisé, à mon sens. Paraît néanmoins qu’il vieillit plutôt mal… tu l’as revu ?
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Je l’ai revu deux ou trois ans après sa sortie mais pas depuis… j’ai lu ça aussi dans Mad… du coup j’ai peur de le revoir LOL
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Pareil. J’ose pas trop le revoir. Je préfère rester sur la grosse claque ressentie précédemment
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