[Critique] ÇA : CHAPITRE 2 d’Andrés Muschietti

A sa sortie en 2017, Ça d’Andrés Muschietti était une réussite surprenante qui remportait son pari d’adapter de manière relativement fidèle l’un des livres les plus célèbres de Stephen King, tout en lui conférant un supplément d’âme bien réel. Avec ses jeunes personnages attachants, le cinéaste parvenait à conférer à son film les atours d’une chronique adolescente très réussie. L’immense succès mondial de cette adaptation (le film d’horreur le plus rentable de tous les temps jusqu’à aujourd’hui), a permis à Muschietti d’avoir les coudées franches pour la mise en chantier de la très attendue deuxième partie. Malheureusement, la machine s’est enrayée et les directions choisies dans ce second chapitre s’apparentent à de sérieuses déceptions.
Avec sa durée maousse de 2h50 (qui n’est pas sans poser des problèmes de rythme), Ça : Chapitre 2 se donne le temps d’explorer le retour des membres du Club des Ratés, 27 ans après leur premier affrontement avec l’abominable clown Grippe-sou. Devenus adultes, ils reviennent à Derry honorer leur promesse pour finir le travail. Alors que le précédent film avait fait le pari (risqué mais payant) de se concentrer uniquement sur la période des adolescents (à la différence du roman qui alterne en permanence les deux époques), Muschietti et ses scénaristes renouent cette fois avec le montage parallèle original, sollicitant autant les adultes que leurs incarnations jeunes dans un jeu de va-et-vient temporel plutôt réussi. Les personnages ont perdu la mémoire des terribles événements s’étant produits 27 ans plus tôt et chacun d’entre eux va devoir reconstruire ses souvenirs en partant en quête de son objet « artefact ». Cette reconquête du passé et de l’innocence perdue, déjà présente dans le livre, est l’un des atouts de cette seconde partie, où l’on suit Bill, Richie, Bev and co remonter le temps en visitant des lieux emblématiques de Derry (et du premier épisode). Une idée qui malheureusement pêche par une exécution un peu mécanique, qui voit s’enchaîner en milieu de métrage des scènes horrifiques répétitives, bruyantes, envahies d’effets numériques (chaque personnage rencontre sa propre projection de Grippe-sou), et au final assez peu dérangeantes.

Des manques à tous les étages

Le principal souci de cette seconde partie est son manque de consistance. Les scènes d’horreur s’enchaînent à intervalles réguliers, faisant intervenir des créatures figurant les peurs de chaque personnage, plutôt cradingues et variées, certes, mais numérisées à outrance et vidées de tout potentiel d’effroi, à l’image d’un ride de train fantôme ou d’un mauvais épisode de la saga Freddy auquel ce chapitre 2 fait parfois penser et qu’il cite directement d’ailleurs. Et force est de reconnaître qu’une certain monotonie (pour ne pas dire un ennui poli) s’installe rapidement. Un manque de substance qui touche également les personnages. On peine à s’attacher et à s’intéresser à eux, malgré un casting de haute volée (James McAvoy, Jessica Chastain, Bill Hader), le film ne parvient jamais à rendre vivants et humains des protagonistes relativement vides et désincarnés. Clairement, l’intérêt monte tout de suite d’un cran lorsque le Club des Ratés de 1989 apparaît à l’écran, et retombe comme un soufflet lorsque les adultes prennent le relais. A ce titre, le triangle amoureux entre Bill, Bev et Ben est totalement insipide… Même constat au niveau de la forme. En 2017, Muschietti et son directeur de la photographie Chung Chung-Hoon (Old Boy, Stoker) avaient su proposer une véritable identité esthétique par le biais de la mise en scène et de l’image. Le départ du second au profit de Checco Varese (The New Daughter, The Strain) est problématique tant cette suite manque cruellement d’inspiration et de personnalité dans ses choix visuels. La musique de Benjamin Wallfisch, plus agressive et pompière, n’arrange rien.

Entre paresse et démission…

On ne doute pas qu’Andrés Muschietti soit un réalisateur de talent, développant une véritable sensibilité pour le cinéma horrifique. Ses précédents films (Mama) en témoignent. Une appétence et un savoir-faire pour le genre qui se couplent à une approche émotionnelle indiscutable qui font de lui un cinéaste qui n’a pas son pareil pour faire cohabiter frousse et tristesse au sein d’une même scène. Certains moments de ce chapitre 2 en attestent. Ainsi, malgré leur redondance, les scènes associées à la recherche des artefacts donnent lieux à des interactions entre les adolescents souvent très justes, et renvoient avec bonheur au premier opus. De même, les transitions entre les époques sont bien pensées et exécutées avec beaucoup d’a propos. Mais sur les presque trois heures de métrage, Ça : Chapitre 2 donne plutôt la sensation que le réalisateur a fait preuve d’une paresse et d’un manque d’imagination coupables, si ce n’est une certaine démission artistique. En atteste la scène traumatique du suicide d’un des personnages, dont la portée émotionnelle est proche de zéro, et ferait presque regretter la version du téléfilm de 1990 ! Frustrant.
Ce que l’on regrette peut-être le plus dans ce second chapitre, c’est l’absence d’aspérités, l’abandon à un académisme qui finit par enfouir le texte de King sous des pelletées de lieux communs. Le film n’est clairement pas assez viscéral, il ne prend pas aux tripes, ne provoque aucune émotion et s’intègre un peu trop dans les canons actuels du film d’horreur, chose que son prédécesseur avait su brillamment éviter en proposant une approche humaine et émotionnelle bienvenues dans le genre. En l’état, cette conclusion aux cauchemars du Club des Ratés n’est pas mauvaise en soit, mais elle est trop sage et a trop peu à offrir pour transformer l’essai de manière convaincante. Une vraie déception.


ÇA : CHAPITRE 2
Andrés Muschietti (USA – 2019)

Genre Horreur – Avec James McAvoy, Jessica Chastain, Bill Hader, James Ransone, Jay Ryan… – Musique Benjamin Wallfisch – Durée 170 minutes. Distribué par Warner Bros (11 septembre 2019).

L’histoire : 27 ans après la victoire du Club des Ratés sur Grippe-Sou, le sinistre Clown est de retour pour semer la terreur dans les rues de Derry. Désormais adultes, les membres du Club ont tous quitté la petite ville pour faire leur vie. Cependant, lorsqu’on signale de nouvelles disparitions d’enfants, Mike, le seul du groupe à être demeuré sur place, demande aux autres de le rejoindre. Traumatisés par leur expérience du passé, ils doivent maîtriser leurs peurs les plus enfouies pour anéantir Grippe-Sou une bonne fois pour toutes…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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