[Critique] IT FOLLOWS de David Robert Mitchell

Sexual Activity

It Follows

It Follows

Précédé d’une réputation flatteuse, marquée par une ribambelle de prix dans les festivals, dont le dernier en date à Gérardmer, It Follows, second long-métrage de David Robert Mitchell, vaut bien toutes les louanges qu’on lui a tressé.
Film incroyable, sorte d’aboutissement génial du slasher et dans le même temps oeuvre séminal du genre, It Follows embrasse tant dans son fond que dans sa forme les codes tant de fois utilisés et rabâchés, mais en les magnifiant d’une maîtrise implacable. Le premier plan du film prend d’emblée le spectateur par les tripes pour ne plus les relâcher : un impressionnant panoramique circulaire suit une jeune fille apeurée s’enfuyant de chez elle, s’arrêtant aux aguets en plein milieu de la rue, avant de quitter les lieux au volant d’une voiture, sous le regard abasourdi de son père. D’une précision extrême, ce premier plan-séquence dégage déjà toute l’inquiétante étrangeté qui sera distillée tout au long du film. En une seule scène, David Robert Mitchell convoque le cinéma de John Carpenter, sa banlieue filmée au cinémascope, les mouvements d’appareil lents et millimétrés, le jeu du hors-champs, sa musique électronique stridente… La séquence s’achèvera sur une image à l’horreur très graphique. Ce sera quasiment la seule du film. It Follows est un évident descendant des films de Big John (on pense à Halloween évidemment, mais également à Prince des Ténèbres), dont l’inspiration est évidente ici, mais pour le meilleur, un peu comme si le jeune cinéaste avait assimilé, digéré la grammaire cinématographique du réalisateur et quelques autres des glorieuses 70/80’s (Wes Craven notamment) pour la restituer avec la maturité nécessaire à illustrer son propos.

It Follows

Malédiction sexuellement transmissible

Au centre de l’intrigue, une « malédiction sexuellement transmissible », qui voit la victime être prise pour cible par des individus anonymes (ou non) avançant vers elle pour lui faire subir un sort peu enviable. Pourquoi ? On en le saura jamais vraiment. Mais on s’en tape ! Avec une économie de moyens évidente, It Follows parvient à créer une peur insidieuse qui suinte des images et des cadres rigoureusement travaillés par le cinéaste. Cela faisait bien longtemps que l’usage du hors champs n’avait pas suscité autant d’angoisse. L’idée de renoncer au boogeyman classique et clairement identifié pour le remplacer par une représentation du mal insaisissable, car migrant d’un personnage à un autre, est pertinente. Un choix qui permet de créer l’attente pour le spectateur, qui n’en finit plus de scruter les quatre coins de l’écran pour éventuellement identifier un personnage inquiétant marchant droit en direction de la caméra. It Follows fait clairement flipper. Et ça fait du bien.

It Follows

 L’adolescence et ses petits tracas

It Follows surprend également dans son discours. Au centre du film, l’adolescence, ses petits et gros tracas, soit l’essentiel des composantes de tout bon slasher qui se respecte, mais en mode mature. Perte de la virginité, de l’innocence, liberté sexuelle, rapport aux autres, angoisse de grandir et du passage au monde adulte. En bref, la peur de l’inconnu, soit le cœur même de tout bon film de terreur un minimum réussi. David Robert Mitchell l’a bien compris et associe les deux éléments avec beaucoup de subtilité et de symboles (le film regorge d’éléments soulignant l’évolution et le franchissement d’une étape par le personnage principal). Parallèlement, la métaphore sur les maladies sexuellement transmissibles paraît évidente. Pourtant, il serait dommage de réduire le film à une charge puritaine contre l’acte sexuel. Certes, la malédiction se transmet par ce biais, mais contrairement aux films d’horreur habituels, qui le présentent comme assimilé au péché, le film explique ici que le salut des « contaminés » passe par la transmission, en gros il faut coucher avec l’autre pour survivre, ou en tout cas s’accorder un répit… Bien davantage qu’une simple énumération d’éléments empruntés chez John Carpenter ou Wes Craven, It Follows révèle un véritable projet cinématographique, une adéquation entre la forme et le discours qui laisse ébahi par son évidence, sa pertinence et sa maîtrise. Beau film sur l’adolescence, It Follows reste également un grand film d’horreur, un de ceux qui ne prennent pas le genre par-dessus la jambe mais le font grandir. Il suscite l’angoisse puis la terreur sans avoir recours à des artifices superflus. Une réussite presque insolente…


IT FOLLOWS
David Robert Mitchell (USA – 2014)

Note : 5Genre Horreur – Interprétation Maika Monroe, Keir Gilchrist, Daniel Zovatto… – Musique Disasterpeace – Durée : 100 minutes.

L’histoire : Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions et  l’inextricable impression que quelqu’un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

3 Comments on [Critique] IT FOLLOWS de David Robert Mitchell

  1. It Follows avec trois « L » en titre, je vois que tu as plus qu’aimé le film (comme moi d’ailleurs). 😀
    Très belle chronique !

    Aimé par 1 personne

  2. Frau Corvina TMF // 16 août 2021 à 20:12 // Réponse

    Ce film est si malaisant, mais j’adore !

    Aimé par 1 personne

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