[Critique] MOTHER ! de Darren Aronofsky

MOTHER ! de Darren Aronofsky

2636970Cinéaste du Chaos, Darren Aronofsky n’a pas fini de secouer le cocotier. Déstabilisant, inconfortable, son cinéma perturbe, dérange, bouscule les valeurs et les sens, met mal à l’aise. Après Pi, Requiem for a Dream ou encore Black Swan, Aronofsky balance un nouvel uppercut à la face des spectateurs avec l’attendu Mother !, véritable grenade à fragmentation que, bien que connaissant désormais le bonhomme, on n’était pas vraiment préparé à recevoir…
Ce n’est pas avec Mother ! qu’Aronofsky signe son intention de s’engager dans le droit chemin, celui d’un cinéma sur les rails, qui emmènerait son spectateur d’un point A à un point B sans trop de déviations. Bien au contraire. Pourtant, le loustic nous avait intrigué avec sa bande-annonce lorgnant du côté de Roman Polanski et de Rosemary’s Baby… Certains l’avaient même attaqué par anticipation au sujet de la forte ressemblance (prétendue) entre les deux œuvres. Après vision du film, on ne peut que constater qu’on s’était bien planté !

MOTHER ! de Darren Aronofsky

Une certaine idée du Chaos

Durant près d’une heure, le réalisateur de Noé nous colle littéralement au personnage incarné par Jennifer Lawrence, jeune femme qui partage sa vie avec un écrivain à succès (Javier Bardem) dans une vaste demeure ancienne qu’elle retape petit à petit. Dans cette première partie, le cinéaste joue la carte du mystère, voire de l’absurde, faisant intervenir des personnages extérieurs qui s’incrustent chez le couple avec une logique qui fait fi de toute notion de réalisme. Un élément qui trouble autant le spectateur que la jeune femme et qui va aller en s’amplifiant au fur et à mesure du film. Avec son image granuleuse, sa caméra portée qui ne lâche pas Jennifer Lawrence, littéralement de tous les plans, Mother ! pousse les curseurs du mystère à leur paroxysme, intriguant autant qu’il passionne dans ce qui ressemble fort à un thriller refusant de livrer les clés de son univers.
Avec cette angoisse grandissante qui monte, ses éléments aux frontières du fantastique (des écoulements et tâches de sang, l’épisode de la cave, la maison qui semble vivante), sa bâtisse aux couloirs labyrinthiques, Aronofsky fait déjà très fort en terme d’ambiance et donne à voir un film tendu, perturbant, même si loin d’apparaître comme totalement inédit. Et évidemment, l’aller-retour en pleine tronche n’en est que plus saisissant. Car rien ne prépare à la seconde partie du film. Aronofsky revendique une liberté de création totale et lors d’une séquence hallucinante de fête, véritable pivot dans le récit, le cinéaste ne fait pas que bousculer le spectateur, il l’emmène dans un ailleurs tout autre, dynamitant littéralement tout ce qui a été proposé auparavant, avec force et fracas, pour plonger dans un chaos littéral et indescriptible. Jennifer Lawrence, saisissante, y trouve l’un de ses rôles les plus puissants, complètement dépassée, subissant les événements, véritablement humaine, pour finir par tenter de reprendre les rênes, pour le pire…

mother!

Cinéma sensitif

Il est extrêmement compliqué d’expliquer en quoi Mother ! est grand sans en divulguer davantage. Tout juste peut-on indiquer que, comme beaucoup de films de son auteur, c’est du cinéma sensitif, abrasif, poussé à l’extrême dont il s’agit, un film qui sollicite les sens et les met à rude épreuve, disposant d’un sound design extrêmement riche et travaillé. Au sein de ce maelstrom de sensations, le film finit par dévoiler, in fine, son plan de bataille, un constat allégorique laissant le spectateur seul juge de sa pertinence, tant les niveaux de lectures peuvent varier, mais qui finit d’en faire une expérience de cinéma forte et éreintante.
Dans sa volonté de tout casser sur son passage, Mother ! n’est pas forcément un film agréable à voir, mais sa puissance d’évocation, son jusqu’au boutisme assumé, sont tels qu’on ne peut qu’admettre que Darren Aronofsky a bien réussit son coup, qu’il nous a terrassé et qu’il reste aujourd’hui l’un des cinéastes les plus libres et audacieux qui soient à Hollywood…

MOTHER ! de Darren Aronofsky


MOTHER !
Darren Aronofsky (USA – 2017)

4-5

Genre thriller – Interprétation Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Domhnall Gleeson, Brian Gleeson… – Musique Jóhann Jóhannsson – Durée 121 minutes. Distribué par Paramount Pictures.

L’histoire : Une jeune femme et son mari mènent une vie paisible dans une maison campagnarde et retirée. Leur existence est bouleversée par l’arrivée chez eux d’un mystérieux couple qui peu à peu va prendre possession de leur demeure.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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