[Critique] EVIL DEAD de Fede Alvarez

La Cabane dans les bois

EVIL DEAD de Fede Alvarez

Attendu avec autant de craintes que d’envies, ce remake du Evil Dead matriciel de Sam Raimi avançait en terrain miné pour une grande partie des fans de l’original. Comme bon nombre de relectures hollywoodiennes des grands classiques du cinéma d’horreur, les projets sont bien souvent haïs avant même que la machine se mette en marche. La qualité de ces remakes bien souvent opportunistes, mis en branle dans un unique but commercial, se gaufrent d’ailleurs généralement dans la fiente de la médiocrité. Des exemples ? The Hitcher, The Fog, It’s Alive, Les Griffes de la nuit… Pourtant, certains producteurs clairvoyants et/ou une poignée de réalisateurs impliqués parviennent à tirer leur épingle du jeu et à faire, si ce n’est jeu égal, au moins bonne figure face à l’oeuvre revisitée. C’est le cas de Massacre à la Tronçonneuse, La Colline a des yeux, L’Armée des morts, Halloween, Maniac… Tout ce bla-bla pour dire que ce nouvel Evil Dead s’affranchit haut la main de la première catégorie, pour s’installer confortablement dans le fauteuil des réussites du genre. Il y avait pourtant beaucoup de risques à assurer un remake du film de Sam Raimi. Véritable bombe horrifique à sa sortie en 1981, Evil Dead ne fit pas que traumatiser une partie des spectateurs, il mit surtout en place une série de codes qui inspireront toute une vague de films d’horreur durant plusieurs décennies. Le défi de Fede Alvarez, jeune réalisateur aux commandes de ce nouvel opus, était moins de marquer le genre d’une empreinte comparable à son aînée, chose compliquée aujourd’hui avec les brouettes de films sortis depuis, que d’offrir un vrai film d’horreur respectant l’original dans l’esprit, en terme de générosité et d’absence de concessions. Sur ce point, pari réussi.

EVIL DEAD de Fede Alvarez

L’horreur addictive

La séquence pré-générique lance d’emblée les intentions d’Alvarez (également auteur du scénario), et du producteur Sam Raimi. Brutale, âpre et malsaine, cette première scène ne ment pas sur le reste du film. Ici, le second degré est prohibé. Zéro humour, pas de mise en abîme, on ne rigole pas avec les atrocités qui apparaissent à l’écran. Les scénarios de petit malin style La Cabane dans les bois sont bien loin de l’approche résolument premier degré de Fede Alvarez et son équipe. Par le biais d’une astuce scénaristique assez bien vue (une bande de jeunes se réunissent dans une cabane au milieu de la forêt pour en finir avec l’addiction à la drogue de l’un d’entre eux), Alvarez place d’emblée son film dans un cadre inhabituellement sérieux pour ce genre de productions. Dans un premier temps, tout tourne autour de cet enjeu dramatique, mais au fur et à mesure que les horreurs s’installent, ce parti-pris scénaristique évolue pour finalement s’imbriquer admirablement avec les contraintes horrifiques. Quand Mia se métamorphose physiquement sous nos yeux, comme lors d’une crise de manque, on ne détermine plus alors quelle est la part de l’addiction et celle de la possession. Un parti-pris fort. Pourtant, la portée pseudo-sociale est vite laissée de côté au fur et à mesure que les abominations vont s’insinuer au sein du groupe. Alvarez paye son tribu à Raimi avec des décors évoquant furieusement le cadre des premières aventures d’Ash : cabane, bancelle à balance, forêt, branchages… Des éléments familiers qui démontrent que l’on n’est pas trompé sur la marchandise : on nage en plein Evil Dead. Au sein de sa mise en scène, le jeune cinéaste urugayen s’empare des prises de vue folles de son prédécesseur, avec cette caméra dynamique au ras du sol, naviguant entre les arbres, ces cadrages alambiqués, ces gros plans sur les visages horrifiés. Et il assure le bougre. La réalisation mûrement pensée de ce Evil Dead a vraiment de la gueule. Certains plans iconiques sont de toute beauté, le travail de la lumière compose quelques ambiances oniriques à tomber par terre. Alvarez, de son côté, ne tombe jamais dans le copié/collé bête et méchant du travail de Raimi, il détourne au contraire assez astucieusement certaines scènes et détails ayant marqué le film de 81 (l’identité du véritable héros, l’anthologique scène de l’amputation du bras, la scène finale). On est en terrain connu, et pourtant, c’est réellement un nouveau film que l’on est amené à découvrir.

EVIL DEAD de Fede Alvarez

Ride horrifique

Sans révolutionner le genre, ce nouvel opus accumule les bons points. Si l’horreur met du temps à émerger réellement, elle frappe fort et fait mal. Particulièrement graphiques, les métamorphoses et autres dégradations des corps sont saisissantes. Plus encore que dans les autres chapitres de la série, les organismes sont mis à rude épreuve, avec une utilisation quasi perverse des fluides (sang, urine, salive, vomi, voire excrément…) Ce mélange peu ragoutant amplifie la sensation de dégoût liée aux corps en décrépitude, et on songe souvent aux œuvres macabres et démonstratives d’un Lucio Fulci. Ce qui n’est pas une mince affaire dans un film de ce « standing ». Alvarez ne recule devant rien, et le choix d’employer des effets spéciaux mécaniques et réalisés en direct sur le plateau renforce ce sentiment de dégoût. Que ce soit le découpage d’une langue en deux dans sa longueur ou l’amputation d’un bras au couteau à viande électrique, la douleur physique déborde de l’écran. Alors certes, tout n’est pas parfait dans ce Evil Dead 2013. Il s’agit avant tout d’un film de « surface », dans le bon sens du terme, qui ne cherche pas à creuser outre mesure dans un concept qui ne le nécessite pas. Ainsi, on ne peut pas dire que les personnages disposent d’une caractérisation exemplaire, en dehors du frère et de la sœur. Les seconds rôles sont clairement destinés à finir en charpie. Mais c’était déjà le cas dans le film de Raimi. De même, la progression du récit, attendue par les fans, n’offre que peu ou pas de surprise, l’histoire avance de manière un peu trop mécanique. Néanmoins, dès lors que l’esprit du mal est libéré, le film se transforme en un ride horrifique assez gerbant, comme on n’en a plus trop vu sur un écran de cinéma depuis pas mal de temps. Véritables montagnes russes allant crescendo dans l’horreur (bien que très peu effrayant, contrairement à ce que vante l’affiche), Evil Dead se permet même de s’achever sur une scène d’anthologie assez inattendue. Un baroud d’honneur et un basculement du rôle principal (consécutifs d’un élément de scénario assez peu crédible pourtant…) qui laissent le spectateur sur le carreau. Sous une averse de sang, une confrontation dantesque entre le survivant et l’ultime créature, à l’image du reste du métrage : brutale, gore, douloureuse, et surtout d’une virtuosité visuelle jouissive. Un point final qui finit par emporter l’adhésion tant le film regorge d’une honnêteté totale et d’un premier degré rafraîchissant. Vivement la suite…

Note : 3.5 sur 5.

EVIL DEAD. De Fede Alvarez (USA – 2013).
Genre : Horreur. Scénario : Fede Alvarez, Rodo Sayagues, Bruce Campbell, Robert Tapert. Interprétation : Jane Levy, Shiloh Fernandez, Lou Taylor Pucci… Musique : Roque Banos. Durée : 91 minutes. Distribué par Metropolitan Filmexport à partir du 4 septembre.

L’histoire : Mia a déjà connu pas mal de galères dans sa vie, et elle est décidée à en finir une bonne fois pour toutes avec ses addictions. Pour réussir à se sevrer de tout, elle demande à son frère David, sa petite amie Natalie et deux amis d’enfance, Olivia et Eric, de l’accompagner dans la cabane familiale perdue au fond des bois. Dans la cabane isolée, les jeunes gens découvrent un étrange autel, et surtout un livre très ancien, dont Eric commet l’erreur de lire un passage à haute voix. Les plus épouvantables des forces vont se déchaîner sur eux…


Critique en partenariat avec le site CinéTrafic qui a recensé les les films d’horreur 2013 et les meilleurs films de 2013 ici

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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